« À l’âge de quatorze ans, on nous lit les lois de la patrie. Chacun est obligé de les écrire de sa main et nous faisons tous serment de les accomplir ».
« C’est une chose inconcevable que nos lois les plus importantes, tant civiles que criminelles, soient ignorées de la plus grande partie de la nation ».
L.-S. Mercier, L’An 2440. Rêve s’il en fût jamais (1771) [1].
Introduction
1. « Sanctionner », « promulguer », « publier », « imprimer » tels sont les quatre actes qui suivent [2] le vote de la loi par l’organe législatif et s’intercalent entre l’expression formelle de la Volonté générale par le Législateur et l’acquisition de la force obligatoire de la loi, c’est-à-dire le moment où celle-ci devient opposable, soit applicable ou exécutable. La sanction et la promulgation ont été examinées par G. Glénard et J. Ferrand et A. Simonin [3] observe l’impression, c’est à la « publication » que s’attache la présente contribution.
2. Immédiatement après que le mode d’élaboration des lois et que leur contenu ont été déterminés, leur publication est l’objet le plus important qui les concerne dans une société régie par le droit. Parmi les plus anciens monuments juridiques figurent les codes mésopotamiens de Lipit-Ishtar, d’Ur-Nammu ou d’Hammurabi, tous trois connus soit par des stèles, soit par des tablettes scolaires qui en attestent le caractère public et la répétition [4]. L’histoire du droit a d’ailleurs retenu comme fondatrices les réformes de Solon [5], auquel Plutarque attribue la création des axones [6] qui assurent la publication des lois sur l’agora [7]. La loi romaine des XII Tables, réforme dont la préparation fut précédée d’une ambassade en Grèce, chargée de « rapporter les lois de Solon et les autres lois helléniques » [8], ne tient pas tant son importance décisive de la réforme du droit que du fait que « ce code, placardé en plein forum, va soumettre l’administration de la justice au contrôle d’une publicité efficace » [9]. De même, depuis les codifications et compilations impériales romaines (Théodose et Justinien) jusqu’aux codes de Louis XIV [10] et jusqu’à l’entreprise inachevée d’un J.-N. Moreau [11], les mises en ordre du droit n’en visent pas seulement la réforme, la modernisation, la simplification, mais encore et au premier chef la meilleure application, qui en suppose la connaissance auprès d’un public plus ou moins large [12]. La publication des lois et des actes administratifs, leur connaissance par le public dans la société démocratique contemporaine constituent jusqu’à présent une préoccupation majeure [13] : la publication, en effet, conditionne l’efficacité des lois autant qu’elle garantit que celles-ci respectent les principes démocratiques. On s’avisera pourtant que la publication en elle-même tend à rester un sujet secondaire, masqué et déprécié par l’intensité des débats sur la procédure d’adoption et de validation où s’expriment les enjeux explicites des conceptions politiques. La publication tient-elle de l’évidence du principe, alors que sa pratique exige un soin minutieux dont la négligence compromet tout l’édifice ?
3. Le paradoxe réside tout entier dans l’implicite de la formule d’Aristote qui est à l’origine de l’adage nul n’est censé ignorer la loi : « Nul n’est censé ignorer la loi, surtout quand il est facile de la connaître » [14]. L’adage omet la seconde partie de la proposition, pourtant essentielle, qui contient a contrario la problématique de la publication des lois : s’il n’est pas aisé de la connaître, comment respecter et appliquer la loi ?
4. E. Lerminier, pour sa part, cite de C. Beccaria le propos suivant : « Heureuses les nations chez qui la connaissance des lois ne serait pas une science » [15]. Mais E. Lerminier vitupère aussitôt l’auteur italien : « Souhaiter qu’il vienne un temps où la connaissance des lois ne soit pas une science, c’est souhaiter qu’il vienne une époque où la géométrie et la logique cessent aussi d’être une science » [16]. C. Beccaria n’a certes pas entendu un tel sens [17], car sa déclaration se rapporte plutôt à la formule : « Quand les lois sont claires et précises, le juge n’a d’autre devoir que celui de constater le fait » [18] – ce que tente de mettre en œuvre la Constituante. Il faut donc comprendre de l’affirmation du penseur milanais que cette « connaissance des lois » doit appartenir à tous de manière aisée, sans nécessiter une initiation spécifique, ce qui induit d’une part une rédaction claire et précise [19], mais encore un accès réel, donc une publicité. À défaut, Hegel prévient que des lois inconnaissables et incomprises deviennent pour le citoyen et l’individu « un destin extérieur » [20], étranger, auquel il ne saurait obéir volontiers, duquel il ne saurait faire le sien. En d’autre termes, le défaut de la publicité des lois renvoie toujours au secret, à une connaissance réservée du droit, semblable à celle dont dispose le patriciat romain avant les XII Tables ; quelque soit le motif de ce secret, il tend à teinter la règle de droit d’arbitraire, soit en fait, soit en apparence, et s’inscrit ainsi en contradiction directe avec les principes démocratiques et ceux d’une société de droit (même inégalitaire et non-démocratique [21]). La Révolution française a tant reproché son secret à l’Ancien Régime – ce que l’on nomme alors despotisme ministériel se rapporte bien souvent au secret ministériel [22] –, qu’elle se doit plus encore à la publicité de ses lois : toutefois, elle n’y parvient qu’en tâtonnant.
5. Dans le contexte de la Révolution française, l’affirmation des principes démocratiques – certes censitaires tout d’abord – et civiques imposent, sur la question de la publication des lois, des contraintes inédites qui impliquent de la définir précisément (I). L’organisation politique révolutionnée de 1789, en établissant la séparation des pouvoirs, propose une situation complexe que les procédures et les moyens antérieurs ne permettent pas de résoudre a priori : la publication révolutionnaire n’est sans doute pas simplement la révolution de la publication monarchique, car elle s’intrique dans le processus « décréter » – « sanctionner » – « promulguer » – « publier », où l’individualisation de ce dernier acte manque parfois de netteté (II). Par ailleurs, il s’agit tout autant de satisfaire à l’impératif principiel de Publicité, que de divulguer auprès de la population la législation nouvelle et de la diffuser auprès des administrateurs civiques chargés de la mettre en œuvre [23] (III, A). Enfin, les dispositifs mis en place à compter de 1789 se révélant peu efficients et peu fiables, le Gouvernement révolutionnaire se trouve contraint de repenser la publication, dont il constate qu’elle forme un élément capital de son organisation et de l’accomplissement de son ambition (III, B).
I. – Ce que « publier » veut dire
6. Bien que la sanction et la promulgation de la loi revêtent des aspects matériels essentiels, la publication présente, avec l’impression, des difficultés concrètes plus marquées encore du fait de leur objet même qui consiste à faire connaître au Public [24], à grande échelle, le texte exact de la loi. Sanction et promulgation regardent ainsi la facture de la loi alors que sa publication intéresse sa divulgation, dès lors qu’elle est faite, et conditionne son application [25]. L’obstacle matériel n’en efface certes pas l’enjeu politique : la loi, devenue générale (uniforme) parce que nationale, assure ensemble la mise en œuvre des principes de liberté et d’égalité dont l’équilibre garantit la viabilité du nouveau pacte socio-politique inauguré le 17 juin 1789. Mais pour que ce pacte demeure viable, il convient qu’il vérifie de manière continue l’équilibre qui le nourrit et cette vérification suppose que les membres du corps politique puissent le constater : la publication de la loi remplit cette fonction cardinale [26]. Nonobstant la définition de la publication comme sa distinction des autres opérations qui la précèdent et la suivent permettent de lui restituer son importance dans le cadre du système révolutionné.
7. Exactement, on entend par « publication » à la fin du XVIIIe siècle, « l’action de rendre quelque chose publique, de la notifier à haute voix dans les assemblées & lieux publics, afin qu’elle soit connue de tous ceux qui peuvent y avoir intérêt ; comme de publier une loi, une coutume, une substitution » [27]. L’Encyclopédie renvoie encore à l’expression « cri public » (comme relevant elle-aussi de la « jurisprudence », donc du droit) qui se définit ainsi : « Cri public signifie aussi la proclamation, ban, publication qui se fait, après avoir amassé le peuple à son de trompe ou de tambour, dans les places publiques & carrefours d’une ville, bourg & autres lieux, à l’effet de rendre une chose publique. […] Les réglemens de police se publient encore par cri public ; il n’y avoit point d’autre manière de les rendre vraiment publics jusqu’en 1461, que commença l’usage des affiches au coin des rues ; & encore présentement on ne laisse pas de publier à son de trompe certains réglemens qui concernent jusqu’au menu peuple, afin que ceux qui ne savent pas lire, ne puissent prétendre cause d’ignorance des affiches. Ces sortes de publications ne peuvent être faites que par le juré-crieur de la justice, accompagné des jurés-trompettes ou tambours commis à cet effet » [28]. En l’espèce, quel que soit le moyen matériel employé, ces définitions insistent sur le rapport entre publication et connaissance des textes par ceux auxquels ils sont destinés.
8. L’impression impliquant un support écrit, elle diffère de la publication en raison de la voie – la voix, le cri – suivant laquelle elle atteint le public ; en cela l’impression forme une modalité de la publication, dont la proclamation orale [29] constitue l’alternative. Il existe en outre le medium des « placards imprimés & affichés » [30] dont la particularité réside dans le fait qu’imprimés ils ne sont pas mobiles à la manière des impressions reliées (de la collection Baudouin où des codes privés [31]) : ces placards s’imposent dans l’espace public permettant à l’autorité publique de tenir leur contenu pour connu des habitants du lieu d’affichage. Cette modalité de publication revêt un caractère hybride, dans la mesure où elle est souvent prescrite comme complémentaire à la proclamation ou lecture publique (« à la porte de la maison commune », « à la porte de l’église » ou « à son de trompe & de tambour ») [32], et où elle tend à jouer le rôle d’une preuve matérielle a posteriori de la proclamation. Nonobstant, l’autorité publique ne peut pas compter qu’une affiche de papier assure durablement la publicité des lois : nul ne songe à suivre l’exemple du long boustrophédon des lois de Gortyne (de Crète), gravées dans la pierre, nul ne songe au bronze de la Table claudienne ou des constitutions et grandes déclarations révolutionnaire, etc. Si personne ne vient décoller, déchirer, recouvrir ou barbouiller l’affiche, les intempéries auront bientôt raison de tels placards. Et quand bien même l’affiche et sa lisibilité persistaient, les espaces disponibles pour l’affichage ne sauraient s’étendre indéfiniment en sorte que des lois nouvelles viendraient recouvrir leurs devancières. L’affichage ne peut donc constituer qu’un mode temporaire de publication, lié à une actualité immédiate ou une nouveauté. Ce caractère le rapproche encore de la proclamation, qui partage avec lui le caractère momentané. Sans même prendre en compte le fait que le taux d’alphabétisation du royaume de France, en 1789, ne permet pas d’espérer que la population pourrait accéder massivement au texte de la loi par voie d’affichage (problème qui concerne, il est vrai, tous les écrits [33]), il apparaît qu’affichage et proclamation n’assurent pas la publicité dans le temps, mais dans un espace-temps déterminé.
9. Ce dernier caractère soulève la question supplémentaire du rapport entre publication et temps : à quel moment et pour quelle durée (permanence ?) une publication des lois a-t-elle vocation à assurer la publicité ? Car si le délai de la publication conditionne le moment de la connaissance et par conséquent le dies ad quo, l’accessibilité d’un texte juridique ne peut sans préjudice être momentanée : les sujets de droit et les praticiens quels qu’ils soient (citoyens, conseils juridiques, juges, administrateurs) doivent accéder à l’information de manière continue tant qu’une mesure demeure positive. La fonction première du « Code de lois civiles communes à tout le Royaume » promis par la constitution de 1791 [34] est précisément la connaissance aisée et continue de la loi civile par les citoyens, dont la sécurité juridique tient en grande part à cela [35] (en l’espèce, l’uniformisation de la loi sur tout le territoire national aplanit l’essentiel de la question de l’espace).
10. L’application de la loi et son opposabilité – son effectivité d’une manière générale – forment ainsi l’enjeu premier et central de la publication. Une part de la difficulté tombe lorsque l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » [36] s’impose comme loi de la connaissance de la loi [37] : la loi devient exécutoire dès lors qu’elle est promulguée (et publiée) régulièrement [38]. Dans le texte du Code civil de 1804, l’expression « du moment où la promulgation en pourra être connue » (art 1er, al. 2) signifie en fait « publication » – par périphrase –, en tant que celle-ci se rapporte à la connaissance par le public. Aux termes de cet article, la publication est devenue purement théorique puisque ni le Bulletin des lois [39] ni le Moniteur universel [40] ni aucun moyen ou support de publication ne sont plus mentionnés : en effet le Code civil fait de la promulgation le point de départ d’un délai de vingt-quatre heures, à l’issue duquel la loi s’applique automatiquement (« est exécutoire »), sauf l’augmentation de ce délai à proportion de la distance géographique [41]. Bien entendu, les précisions de 1804 visent approximativement les délais du portage du Bulletin des lois aux chefs-lieux des départements, à cette époque [42] ; cependant, à la lettre du texte, une loi « est exécutoire » alors même que son énoncé ne serait pas matériellement connaissable [43], puisqu’à compter de la promulgation l’écoulement du temps seul détermine le moment où la loi devient exécutoire, en vertu de la fiction selon laquelle elle est « réputée connue ». L’article premier du Code civil opère donc une contraction de la promulgation et de la publication, cette dernière muant en publication supposée. Cetes, le régime de 1804 n’est plus démocratique au sens réel.
11. Dans le contexte des débuts de la Révolution, la publication se présente néanmoins sous un autre jour. L’effondrement des institutions de l’Ancien Régime et l’affirmation des principes de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen placent les Constituants face au défaut des institutions publiques et à la péremption logique d’une grande part du Droit commun et des lois anciens. La tabula rasa que E. Burke impute à la Révolution française [44] résulte ainsi moins de la volonté des hommes de 1789 que de la double logique des événements et des principes : comment respecter une construction historique qui se dissout d’elle-même ? Les Constituants sont conduits à édifier entièrement un ordre juridique et institutionnel complets et nouveaux, d’où une considérable production normative [45] qui répond en grande partie à un appel du vide, peu ou prou à un vertige. La publication des lois revêt dès lors une importance capitale puisqu’à défaut de connaissance concrète des normes nouvelles, non seulement les institutions publiques ne pourraient être organisées ni les lois appliquées, mais encore régnerait une forme d’anarchie, de licence générale, selon les termes du temps. La publication des lois dans ces conditions ne saurait supporter la manière napoléonienne. Plus qu’une autre, la société révolutionnaire éprouve la nécessité des lois et de leur connaissance.
12. La question ne s’épuise cependant pas en cette nécessité pratique ; car cette dernière s’impose pour les décisions de l’Ecclésia athénienne comme pour les constitutions d’Auguste (et les lois de manière générale), alors que la démocratie représentative ajoute son lot intrinsèque. Dans le cadre d’une souveraineté politique nationale ou populaire [46] exercée par voie de représentation – ce qui caractérise toutes les constitutions révolutionnaires –, « Publier les lois » revient à rendre un compte de l’exercice de la fonction législative déléguée : exprimer la Volonté générale, la rendre publique, c’est en premier lieu la faire advenir en acte (la performer [47]), sans quoi elle n’existe que virtuellement ; la publier, en second lieu, c’est la présenter aux yeux de la nation souveraine qui peut en sanctionner l’esprit et la lettre (de manière implicite, bien entendu, sauf à se révolter en tout ou partie [48] et sauf les pétitions et les élections qui suivraient la publication d’une loi) [49] ; c’est en troisième lieu rendre compte du mandat – impératif ou représentatif – auprès du mandant car, par-devers Sieyès, la représentation-fonction demeure le fondement de la réflexion sur la démocratie représentative. La publicité, donc la publication [50], des lois participe ainsi de manière dynamique à la réalisation permanente du pacte politique. Elle fournit la matière première de l’espace public kantien/habermassien, car l’exercice public critique de la Raison [51], se nourrit des actes des gouvernements ; elle procure encore une matière première de la démocratie de surveillance évoquée par P. Rosanvallon [52]. La publication de la loi ne figure pas au premier plan des écrits des ces auteurs, alors qu’elle accomplit la condition sine qua non de l’espace public démocratique : J. Habermas d’une part, P. Rosanvallon d’autre part, concentrent leur attention sur la liberté d’expression et de critique (à l’exacte contraire de la « censure »), par voie de presse et de publication d’ouvrages, ou encore de débats et de discours publics. Ce complexe de libertés publiques qui est surtout un apanage des personnes privées et correspond à l’émergence de la société civile, semble occulter le devoir de publicité pesant sur les autorités publiques [53]. J. Habermas y consacre néanmoins des développements spécifiques et comme séparés [54]. La publication des lois comme vecteur principal de leur Publicité, paraît ainsi tenue pour acquise, quand au contraire, l’un et l’autre auteur remarquent la transition du secret à la publicité et notent que c’est la publicité des débats parlementaires qui se révèle déterminante (en Angleterre au XVIIe siècle [55], comme dans la France révolutionnaire [56]). Or, E. Kant insiste sur la publicité comme nécessité a priori (maxime transcendantale) du droit public (droit politique) en tant que tel :
« Si je fais abstraction de toute la matière du droit public (selon les différentes relations, données empiriquement, que les hommes ont dans l’État, ou aussi que les États ont entre eux) tel que le pensent d’habitude les professeurs de droit, il me reste encore la forme de la publicité, dont la possibilité se trouve comprise dans toute prétention juridique, car sans cette forme il n’y aurait pas de justice (qui n’est pensable que comme pouvant être proclamée publiquement), ni par conséquent de droit, que seule la justice peut dispenser » [57].
13. S. Goyard-Fabre, analysant ce passage en conclut : « C’est ce que les rois thaumaturges d’antan méconnaissaient. Cette carence était grave car, sans la publicité des lois et des actes, le gouvernement républicain et la justice sont inconcevables : une chose publique secrète et, aussi bien, une justice secrète sont des contradictions dans les termes : sans publicité le droit n’aurait ni sens ni existence possibles en l’État. La publicité est "la maxime transcendantale du droit public" et Kant, précisément, n’hésite pas à définir le droit public (öffentliches Recht) comme "l’ensemble des lois qui ont besoin d’être proclamées universellement pour produire un état juridique" [58]] » [59]. Ce qui peut encore être complété par ce que E. Kant affirmait dans Théorie et Pratique, à savoir que dans la Constitution républicaine, le citoyen « exige, en ce qui touche au devoir universel de l’homme, d’être convaincu par la raison que cette contrainte [l’obéissance aux lois civiles] est conforme au droit, afin de ne pas se trouver en contradiction avec soi-même » [60]. Chez E. Kant, le régime républicain [61] est précisément – exclusivement – représentatif [62] et la Publicité ne conditionne pas seulement la démocratie, elle l’articule encore à la représentation, conçue comme solution et nécessité de la démocratie en tant que régime de droit [63], et contribue à la concordance de la Politique et de la Morale [64]. Deux médiations se distinguent et se complètent ici, celle du représentant qui permet l’exercice du pouvoir souverain (législatif) et celle publication des actes du pouvoir souverain qui accomplit la Publicité (assure la connaissance des actes – lois – du pouvoir souverain dans l’espace public), vitale au droit. L’une et l’autre médiations se complètent.
14. La publication de la loi forme par conséquent l’une des questions centrales imposées a priori à la Révolution française – comme révolution républicaine, c’est-à-dire fondée sur la souveraineté du corps politique, de la communauté des citoyens. Et ce caractère « a priori » la confine à une telle banalité que son traitement en devient ardu à force de concentrer le poids d’autres principes.
15. Au contraire, J. Bentham, dont les liens avec la Révolution française sont bien connus [65], refuse le truisme lorsque se faisant législateur de Tripoli au début des années 1820 [66], il prescrit ses remèdes contre l’abus de pouvoir. Le philosophe de l’Utilitarisme insiste en effet sur la matérialité des opérations permettant la publicité des lois (« ordonnances »), entrant dans des détails ténus (la technique de reproduction par lithographie, par exemple [67]). Il indique que « [t]rois opérations distinctes sont nécessaires pour donner le jour à une ordonnance dotée de force de loi contraignante : la scription [composition et rédaction], le sanctionnement [sanction] et l’enregistrement [soit « registration » et « recordation », i.e. « enregistrement » et « archivage » [68]] » [69]. Mais surtout, J. Bentham s’attache à la diffusion dans le public du texte des lois (ce qu’il nomme la « notification » [70]), qu’il prévoit sous deux formes complémentaires, la publication et distribution par voie de presse [71] et la proclamation [72] ; ces publications ayant pour objet d’opérer la Publicité comme garantie contre l’abus de pouvoir. Chez J. Bentham, le statut de l’organe de presse dédié à la publication des lois demeure ambigu : il semble reproduire le principe du Moniteur Universel tel que le Consulat le nationalise en 1799, c’est-à-dire celui d’un journal du Gouvernement mêlant la publication des textes légaux et réglementaires à celles de nouvelles diverses (faits divers, actualité judiciaire, nouvelles internationales, etc.) et de discours [73]. Toutefois, alors que le Consulat puis l’Empire font du Moniteur un instrument de propagande politique, J. Bentham conçoit la diversité des contenus comme un moyen attrayant d’intéresser le public et d’assurer ainsi une diffusion plus large. J. Bentham ne choisit pas entre une publication par voie d’organe officiel ou par voie de presse privée, alors que la proclamation orale qu’il imagine procède au contraire de la voix officielle (celle du souverain et de ses agents). De même il ne s’étend pas, en l’occurrence [74], sur une autre question essentielle, à savoir celle d’une collection permanente classée et indexée des lois et règlements, nécessaire à tous ceux qui ont besoin de connaître la législation complète à tout moment et dans des conditions d’accès aisées (les justiciables, hommes de lois, etc.). Il faut certainement comprendre en l’espèce et au-delà des particularités de l’histoire politique anglaise [75], que la Publicité, à laquelle J. Bentham s’en remet, relève d’une acception de type kantien et s’appuyant sur le Public, pour limiter la Puissance publique, l’emprise que cette dernière pourrait conserver sur les moyens de publicité revêtirait un caractère contradictoire.
16.Pour G. W. Fr. Hegel, enfin, la publication des lois se résout de manière plus simple – néanmoins catégorique et impérative. Il identifie en effet directement la connaissance de loi, sa publication concrète, à la possibilité de l’obéissance civile, en ces termes presque lyriques qui condamnent hautement les formes du secret :
« L’obligation envers la loi implique au point de vue du droit de la conscience de soi (§132) la nécessité qu’elle soit connue universellement.
R : Accrocher les lois comme le fit Denys le Tyran, si haut qu’aucun citoyen ne pût les lire ou bien les ensevelir sous un imposant apparat de livres savants de recueil de jurisprudence, d’opinions de juristes et de coutumes, et par-dessus le marché, en langue étrangère de sorte que la connaissance du droit en vigueur ne soit accessible qu’à ceux qui s’instruisent spécialement, tout cela est une seule et même injustice. Les gouvernants qui ont donné à leur peuple une collection même informe, comme Justinien, ou mieux encore, un droit national dans un code défini et ordonné, ont été non seulement de grands bienfaiteurs, et honorés comme tels, ils ont aussi accompli un grand acte de justice » [76].
17. S’il n’échappe à personne que, d’après ces lignes et en bonne logique, N. Bonaparte est cinq fois « bienfaiteur », il apparaît encore sous la plume de G. W. Fr. Hegel que l’enjeu de la publication des lois a subi une simplification notable, depuis le Maître de Königsberg. Sans doute la question n’y perd-elle pas son importance ni sa place centrale, mais elle reçoit une formulation logique qui dispense pratiquement de démonstration. Peut-être faut-il y voir l’influence de la portée acquise par l’adage Nul n’est censé ignorer la loi, depuis l’an IV et depuis 1804 [77] ?
18. In fine, si la publication des lois s’entend au sens strict et matériel comme la divulgation de la lettre – mots et syntagmes – de celle-ci auprès du public, quel que soit le support ou moyen employé (oral ou écrit), elle ne se réduit pas aux opérations techniques, mais s’inscrit au cœur de l’ambition démocratique et représentative.
II. – Distinguer la « publication »
19. Inscrite dans le processus de production de la loi, la publication doit encore être distinguée de l’opération qui la précède d’un point de vue procédural à compter de 1789 [78] : la « promulgation ». L’examen de la distinction se justifie en ce que la constitution de 1791 traite ensemble « promulgation » et « publication », sous l’intitulé unique « De la promulgation des lois » (tit. III, chap. IV, sect°. I) [79]. Ainsi que le remarque D. Le Béguec, le Dictionnaire de l’Académie française (éd. 1762 [80]), définit encore la « promulgation » comme « publication des lois, faite avec les formalités requises », entretenant donc une ambiguïté. Dans le cadre de la monarchie constitutionnelle – à compter du 17 juin 1789, jusqu’aux 10 août et 21 septembre 1792 –, la promulgation, en tant qu’elle atteste qu’un texte revêt bien toutes les qualités d’une « loi », parachève un processus de confection qui réclame l’intervention du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif [81] successivement (distinctement ?). La distinction correspond ici à une procédure réelle, reconnaissant au chef de l’État une intervention dans le processus législatif, intervention constitutionnellement énoncée.
20. En effet, la sanction royale est nécessaire à l’acquisition par un « décret » de la qualité de « loi » (constitution de 1791, tit. III, chap. III, sect°. III). Cependant, la question de la qualité de législateur qui serait accordée au roi par la constitution de 1791 demeure très difficile à trancher : le texte (tit. III, art. 2 à 4) définit le roi comme « représentant » de la nation conjointement avec le Corps législatif (art. 2), alors que « le pouvoir législatif est délégué à une Assemblée nationale […] avec la sanction du roi » (art. 3), et tandis que « le pouvoir exécutif est délégué au roi » (art. 4). Que le roi « représente » la nation à la tête de l’exécutif et pour l’imperium extra-muros (tit. III, chap. IV, sect°. III) ne pose pas ici de problème particulier, en revanche, l’expression « avec la sanction du roi » créée une difficulté car elle ne précise pas en quelle qualité il sanctionne, alors que ses prérogatives en matière législative ou auprès du pouvoir législatif (tit. III, chap. III, sect°. II à IV et chap. IV, sect°. I), examinées dans le détail, n’apportent pas plus de solution définitive. A contrario : « la constitution délègue exclusivement au Corps législatif les pouvoirs et fonctions ci-après : 1. de proposer et décréter les lois : le roi peut seulement inviter le Corps législatif à prendre un objet en considération […] » (tit. III, chap. III, sect° I, art. 1er – nous soulignons en italiques), l’invitation n’ayant aucun caractère obligatoire (sect°. IV, art. 1er) et ne se distinguant que fort peu, mutatis mutandis, de la pétition d’un citoyen – toutes choses étant égales par ailleurs. Littéralement, c’est donc le Corps législatif qui décrète les loi. Par surcroît, il cesse « d’être un corps délibérant, tant que le roi [est] présent [au lieu de ses séances] » (art. 8). La suspension de la capacité de débattre et de décider, c’est-à-dire « de proposer et décréter les lois », alors même que la présence du roi n’emporte pas substitution à l’Assemblée (comme ce pourrait être le cas, sous l’Ancien Régime, dans un lit de Justice), semble s’opposer au principe d’un roi participant au pouvoir législatif.
21. On peut ainsi considérer que le roi est, ou non, législateur partiel au titre de la constitution de 1791, selon que l’on tient sa sanction pour une contribution soit substantielle soit processuelle à la formation de la Volonté générale [82]. L’on peut enfin compléter la lecture de la constitution par l’examen du contexte et des discours. Toutefois, si le débat sur le veto (septembre 1789) peut faire pencher en faveur de la thèse d’un roi-co-législateur, on observera d’une part que les journées d’octobre 1789 affaiblissent immédiatement la thèse, et que tous les usages du veto de 1789 à 1792 déclenchent des crises violentes (toutes perdues par le roi) qui accréditent l’idée que les acteurs tiennent la volonté du roi pour illégitime en matière législative. D’autre part et enfin, la qualité de « représentant » accordée au roi (tit. III, art. 2) résulte de la rédaction postérieure à l’épisode de Varennes (juin 1791), ce qui trouble beaucoup l’appréciation de la portée du terme. Ces éléments plaident pour la thèse d’un roi-chef de l’Exécutif et non co-législateur.
22. Déterminer définitivement la nature de l’intervention royale ne saurait être l’objet des présents développements. Mais que l’on attribue au monarque le statut de co-législateur ou que l’on tienne la sanction royale pour un mécanisme de coopération ou de balance des pouvoirs, il ne s’ensuit pas moins que des opérations distinctes se succèdent, dont la promulgation vérifie qu’elles ont toutes été régulièrement effectuées. Il s’agit dès lors de joindre en un document unique les résultats des actes des deux institutions (pouvoirs), conditions sine qua non d’une loi entière [83] à raison de la participation régulière et convergente des deux représentants de la nation. La formule de la promulgation accomplit ainsi la réunion des actes et l’amble des volontés exprimées : « L’Assemblée nationale a décrété, & nous voulons & ordonnons ce qui suit » [84]. Le Sceau [85] appliqué sur les deux exemplaires originaux et authentiques de la loi qui doivent être déposés aux archives du Sceau et dans celles du Corps législatif [86], parachève l’ensemble des étapes de facture de la loi par l’apposition de la marque de perfection. Et cette perfection, cette Vérité – au sens quasi religieux – de la loi demeure ensuite conservée in aede, aux archives de l’Assemblée, sanctuarisées par Camus [87] en Arche [88] d’une nouvelle Alliance [89]. À cet égard, le processus de facture de la loi révolutionnaire tient du Mystère autour duquel se déroule un rituel civil précis et lourd de symboles : il réunit les composantes matérielles (opérations successives), politiques (vote et veto), emblématiques, toutes nécessaires, ou conçues comme telles, à l’affirmation de la loi nationale par-dessus l’ancienne loi royale [90]. La promulgation marque l’achèvement de la procréation de la loi, dont le corps des institutions accouche et se sépare en apposant le Sceaux et par le dépôt aux archives ; il devient alors possible de proclamer la Bonne nouvelle, de publier l’épiphanie de la Volonté générale [91].
23. Une autre lecture du processus demeure néanmoins concevable, qui renvoie à celui de la monarchie [92] : les cours souveraines (parlements) enregistraient les actes royaux, mais sous la formule « procédure d’enregistrement », sont en fait comprises trois opérations distinctes, l’« entérinement » [93], la « publication » et l’« enregistrement » [94]. À cette trilogie correspondraient respectivement, après 1789, la « sanction », la « publication » et la « promulgation » associée au « sceau » et au dépôt dans les archives (« enregistrement », au sens étymologique). Si l’on admet le parallélisme, la procédure révolutionnaire serait une reprise spéculaire, avec inversion fonctionnelle, de celle qui l’a précédée : la nation veut par l’Assemblée (décret) et le roi entérine/sanctionne tandis que le sceau représente matériellement la promulgation (constat de perfection) avant publication, laquelle emprunte ensuite les moyens de l’Exécutif (infra). Dans cette hypothèse la différence résiderait dans le fait qu’aucune des trois opérations anciennes ne formait condition de validité – la volonté formalisée du souverain suffit [95] –, mais plutôt de publicité et effectivité, alors que la procédure nouvelle conditionne la validité à la sanction (qui ne correspond donc pas parfaitement à l’entérinement). Ces raisonnements comportent tous une difficulté majeure : les terminologies anciennes et révolutionnaires restent irrégulières.
24. Il devrait résulter de ce qui précède une distinction suffisante de la « promulgation » et de la « publication », définie comme l’« acte tendant à la divulgation authentique d’un texte et [auquel] est subordonnée l’opposabilité de ce dernier » [96]. Nonobstant, la constitution de 1791 prescrit que le pouvoir exécutif « est chargé également de faire promulguer et exécuter les actes du Corps législatif qui n’ont pas besoin de la sanction du roi ». La liste de ces actes se trouve énoncée à sous l’intitulé De la sanction royale (tit. III, chap. III, sect°. III, art. 2, 7 et 8) [97]. Or, la promulgation de tels actes ne se justifie pas si celle-ci signifie le constat de l’observance des procédures : la procédure en cause se trouvant, pour ces actes, entièrement dans les mains de l’auteur du texte, il s’agirait alors d’un auto-contrôle, ce qui n’aurait pas de sens dans le contexte révolutionnaire. Il faut au contraire que le terme de « promulgation » déborde pour part sur l’enregistrement et pour part sur la publication, sauf à ériger la promulgation en contrôle de constitutionnalité, ce qui constituerait alors une violation du principe de séparation des pouvoirs au profit de l’Exécutif et un singulier anachronisme [98].
25. La solution du dilemme se trouve peut-être dans la fonction accordée au Sceau. Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux et « Chancelier » [99], est en effet le seul ministre désigné en propre par la constitution de 1791 et le seul auquel une action spécifique est dévolue, à savoir celle de contresigner, sceller, déposer aux archives, imprimer et expédier les lois [100]. Sa fonction s’avère ainsi la seule fonction ministérielle créée – reprise – nommément par la constitution et qui ne puisse se résumer à une fonction ministérielle générale. L’opération de scellement consiste de manière concrète en l’apposition du sceau de cire de l’État sur les deux originaux authentiques de la loi conservés aux archives (tit. III, chap. IV, sect°. I, art. 2). Mais le scellement doit être accompagné du contreseing du ministre de la Justice (Garde des Sceaux). Le roi n’appose pas le sceau, il le fait apposer, ce que précise encore la formule « nous avons fait apposer le sceau de l’État » (art. 3). La constitution ajoute qu’un décret ne respectant pas les procédures et formes prescrites (tit. III, chap. III, sect°. II) ne saurait être sanctionné par le roi qui est cependant irresponsable de cet acte. Toutefois, « si quelqu’un de ces décrets était sanctionné, les ministres ne pourront le sceller ni le promulguer, et leur responsabilité à cet égard durera six années » (art. 10 ; sauf l’urgence de l’art. 11). Les ministres, au contraire du roi, sont responsables devant la Haute Cour nationale (tit. III, chap. II, sect°. 4 à 7, et tit. III, chap. V, art. 23) [101].
26. Le scellement, et lui seul, constate le respect de la procédure de facture de la loi, puisque c’est au respect formel de celle-ci qu’il est conditionné et que les ministres en sont particulièrement responsables. Les « ministres » [102] devraient refuser de sceller et promulguer les décrets dont le préambule ne comporterait pas « 1° Les dates des séances auxquelles les trois lectures du projet auront été faites ; 2° Le décret par lequel il aura été arrêté, après la troisième lecture, de décider définitivement » (tit. III, chap. III, sect°. II, art. 10) et, en cas d’urgence déclarée, la « mention [du décret préalable d’urgence comportant l’énoncé du motif d’urgence] dans le préambule du décret définitif » (art. 11). Il ne paraît guère pertinent de considérer que l’article 10 renvoie directement à la « forme » de l’article 3 [103], mais bien à celles de l’article 9 (mentions du préambule des décrets) : ces dernières ne touchent en substance qu’aux délais et aux cas d’urgence. Il s’agit donc ici d’un contrôle extérieur des décrets et non d’un droit de regard indirect sur les délibérations du pouvoir législatif et sur le contenu de ses décisions [104] ni enfin sur les motifs de l’urgence.
27. La publication des lois soulève ainsi des questions fondamentales tant à l’égard des principes démocratiques (et représentatifs) que la Révolution française tente de mettre en œuvre, qu’à l’égard de la répartition des compétences entre les organes et les fonction gouvernementales. À ces enjeux s’ajoutent les considérations pratiques relatives aux opérations matérielles de la publication, dont il est aisé de comprendre qu’elles interrogent en retour et derechef les principes en cause.
III. – Publier la loi de la Révolution
28. La publication de la loi se révèle une nécessité originelle de la Révolution française dès le 17 juin 1789. Le « coup d’État » ayant pour objet la mutation de la souveraineté des mains du monarque héréditaire de droit divin dans celles de la Nation représentée par ses élus, ce changement de titulaire impose de doter le nouveau souverain des instruments de sa communication propre. Cependant, il faut encore quelques temps à l’Assemblée nationale constituante pour définir et organiser ses prérogatives et leur exercice. Les premiers temps de la Révolution comportent donc en la matière une certaine part d’improvisation, que les soins des représentants tendent à corriger progressivement avec plus ou moins de succès (A). Ce n’est enfin que confrontée à la crise centrale de la période révolutionnaire, que la Convention nationale reprend entièrement le système de publication pour l’utiliser comme un fer-de-lance de la reconquête du pouvoir et de rétablissement de l’ordre révolutionnaire (B).
A. – Publier la loi en Révolution
29. Aux premiers jours de la Révolution, l’Assemblée nationale [105] ne dispose d’aucun moyen propre de publication. La situation initiale des États-Généraux ne le justifie d’ailleurs pas, puisque les décisions qui résultent des travaux de ce corps ne sauraient être ses décisions, mais simplement ses prières ou requêtes adressées au roi, lequel demeure l’auteur juridique des mesures prises en conséquence (il s’agirait alors mutatis mutandis de législation sur requête [106]) : ainsi la publication de ces dernières devrait-elle suivre les voies habituelles de publication de la législation royale de l’Ancien Régime et utiliserait les moyens de la monarchie (Imprimerie royale) [107].
30. Et tout d’abord, l’Assemblée peut en pratique se dispenser de tels moyens car, malgré la proclamation du 17 juin 1789, sa fonction ne la conduit pas à légiférer, gouverner et juger directement (ce qu’elle fait ensuite à compter de septembre suivant), mais à rédiger une constitution dont l’application ne doit intervenir qu’aux termes de travaux que les députés imaginent encore brefs. La plupart des décisions et mesures arrêtées – c’est le terme le plus commun, par préférence à celui de « décret », jusqu’en septembre 1789 – ressortissent pour l’essentiel des mesures intérieures (ordre pour la parole, règlement intérieur, etc.). De manière ponctuelle, l’Assemblée en vient, au cours de l’été 1789, à émettre des messages ou des décisions destinées au public (lorsqu’elle demande au roi l’éloignement des troupes, le renvoi du Ministère des Cent-Heures, lorsqu’elle élabore les mesures des 5 au 11 août 1789 [108], ou la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, par exemple [109]). Cependant dans ces cas, soit le destinataire explicite en est le roi, soit les mesures prises attendent-elles l’accord du souverain, dont les modalités et les formes restent à fixer ; elles n’ont pas acquis le caractère d’articles législatifs ou constitutionnels [110]. De plus, certains de ces messages et mesures ne réclament pas, à l’instar de lois précises, une date déterminée fixant un moment d’entrée en vigueur : l’abolition des privilèges relève en principe de l’abandon volontaire ; les Droits de l’Homme et du Citoyen, proclamés, sont supposés exister de tout temps ; les mesures d’ordre intérieur, quant à elles, reçoivent à l’égard des députés la publicité suffisante de par la délibération même. Sans doute ne s’agit-il pas de minorer ces débats ni les décisions arrêtées au cours des mois de juillet et août 1789, mais d’insister sur le fait qu’à ce moment, l’Assemblée ne gouverne pas encore pleinement et qu’il faut attendre l’automne suivant pour que l’effondrement des institutions judiciaires [111] et administratives d’Ancien Régime place les Constituants en situation de gouvernement active.
31. Si l’Assemblée s’occupe, dès le 20 juin 1789, d’imprimer ses Procès-Verbaux, elle y procède pour l’information des députés, non pour celle du public, ainsi qu’en témoigne son règlement intérieur du 29 juillet [112]. Nonobstant, elle nomme, le 25 juin 1789, un imprimeur de l’Assemblée, en la personne du député suppléant du Tiers de Paris, Fr.-J. Baudouin [113] : ce dernier remplit sa mission avec difficulté, tant en raison des retards de transmission des pièces, qu’en raison de problèmes matériels et financiers récurrents [114]. Mais la nomination d’un imprimeur de l’Assemblée comme la constitution, en août 1789, d’un service des Archives [115] visent l’amélioration du travail de l’Assemblée, l’assurance de la qualité de son information interne et la sécurité, par la garantie du dépôt authentique, des « pièces originales relatives aux opérations de l’Assemblée » [116] : point de publication au sens propre, donc, d’autant moins que celle-ci est assurée par l’Exécutif.
32. Ainsi, au cours des premiers mois de l’Assemblée constituante, la principale publicité conférée à ses travaux résulte-t-elle de l’activité de la presse naissante : de mai à décembre 1789 paraissent plus de cinquante (56) titres périodiques se donnant pour objet de rendre compte du travail de l’Assemblée [117], soit plus d’un tiers des titres créés à Paris durant la même période (140) [118]. Cette profusion assure la diffusion des principes nouvellement adoptés, d’autant mieux que certains journalistes appartiennent à l’Assemblée (H. G. Mirabeau, par exemple), ce qui contribue à conférer à leur journal le statut de source sûre. Certains titres, tel le Journal des décrets de l’Assemblée nationale, pour les habitans des campagnes (par L.-Fr. Prault de Saint-Martin), ou le Journal des débats et des décrets (par J.-Fr. Gaultier de Biauzat) [119], revendiquent de manière explicite la fonction de publication des délibérations et décisions de l’Assemblée nationale. Néanmoins, ces organes privés se révèlent sources incertaines et inconstantes, puisque la pérennité et la périodicité des parutions varie à l’extrême, puisque les comptes rendus manquent de fidélité, d’exhaustivité, comportent des erreurs et s’ornent parfois de commentaires plus ou moins objectifs et amènes (dans le Journal des décrets de l’Assemblée nationale…, par exemple, qui fustige le marc d’argent [120]).
33. Dès lors, il revient à l’Imprimerie royale, dite « du Louvre » [121], de reproduire et de diffuser le texte des lois, ce qu’elle effectue dans la continuité de la période antérieure. Cette imprimerie forte de quatre-vingt presses, peine à tenir les cadences que lui impose la production législative et les exigences des administrations dont elle sert les besoins. Elle doit renoncer bientôt à certaines activités annexes (l’impression d’ouvrages savants [122]). Le système de diffusion réduit pourtant le nombre des exemplaires nécessaires, dans la mesure où l’Imprimerie royale ne produit que le nécessaire à l’expédition, à charge pour les institutions provinciales destinataires (parlements, Intendances, etc.) d’en reproduire à leur tour et par leur propres moyens le nombre utile à leur besoins locaux (de là l’existence ancienne d’imprimeurs des parlements dans les villes de leur siège). Un circuit du même type s’organise enfin lorsque l’Assemblée constituante règle la publication des lois à l’automne 1789. Mais jusqu’à ce moment, les formes de la publication des lois sont laissées à l’Exécutif qui applique avec plus ou moins de rigueur les usages de l’Ancien Régime (et sa terminologie) [123].
34. Ces ressources publiques ou privées ne peuvent former que des expédients soit que leur fiabilité, soit que leurs moyens les empêchent d’assurer la publication sûre et suffisante auprès de la population en général. Par surcroît, une publication purement chronologique des lois nouvelles, quelle que soit la qualité du travail effectué, ne saurait permettre un accès aisé et complet à la législation, nouvelle et bientôt abondante, selon les exigences des citoyens, des agents publics, des justiciables ou de leurs conseils juridiques. Des initiatives privées s’emparent alors du problème et élaborent diverses solutions : certains composent des « codes » en forme de vade-mecum [124], réunissant et raisonnant les matières par domaines (code municipal, des justices de Paix, etc.) ; d’autres, composent des « collections » chronologiques munies d’index précis et de renvois, par volume et par section, qui autorisent un repérage systématique des textes d’après des mots-clefs et expressions. Fr.-J. Baudouin, entreprend ainsi sa Collection générale des décrets rendus par l’Assemblée nationale [125], la plus complète et la plus constante de ces entreprises, en raison de sa position privilégiée d’imprimeur de l’Assemblée. Ces entreprises à but lucratif se livrent à une concurrence féroce et ne rencontrent que rarement le succès commercial, ne laissant guère surnager que la Collection Baudouin et la Collection du Louvre [126].
35. L’Assemblée constituante se trouve contrainte de régler plus attentivement la publication des lois lorsque, transférée à de Versailles à Paris, elle commence de traiter d’objets plus concrets, ainsi en est-il dans la situation d’exception qui suit les journées d’octobre 1789, l’agitation parisienne (la loi martiale est décrétée le 21 octobre 1789) et le vote des décrets définissant l’état des citoyens, dont la discrimination actif/passif et quand les législateurs entreprennent de définir une nouvelle organisation territoriale, administrative et judiciaire. Il ne s’agit plus en effet de principes généraux accessibles facilement par quelques formules, mais d’ordre et de sécurité publics, mais aussi de législation technique et précise, neuve encore, dont l’application effective dans tout le royaume implique une connaissance textuelle exacte. Et les députés répètent souvent l’impératif de faire connaître les décisions de l’Assemblée à toute la nation.
36. Le 5 novembre 1789 [127], l’Assemblée manifeste ses premières exigences formelles en demandant au Garde des Sceaux et au Secrétaire d’État la présentation des certificats ou accusés de la réception des décrets de l’Assemblée par les dépositaires de l’autorité judiciaire et intendants. Elle prescrit tout d’abord un premier formulaire, ensuite que « Que toute Cour, même en vacation, Tribunal, Municipalité & Corps administratif qui n’auront pas inscrit sur leurs registres, dans les trois jours après la réception, & fait publier dans la huitaine les lois faites par les Représentans de la Nation, sanctionnées ou acceptées, & envoyées par le Roi, seront poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions, & coupables de forfaiture ». L’Assemblée réagit ainsi aux ultimes résistances des parlementaires d’Ancien Régime [128], mais elle indique aussi un premier délai (de huit jours) pour la publication des lois à compter de la réception de celles-ci en un lieu déterminé. Il faut déduire de ces précisions la loi s’impose sans discussion aux corps administratifs et judiciaires ; ni les anciennes institutions subsistantes ni les nouvelles, naissantes, ne disposent d’aucune marge d’appréciation, c’en est fini des remontrances, l’enregistrement ne peut être différé plus de trois jours. Le délai suivant de cinq jours (huit jours après réception) accordé pour les opérations de publications locales (reproductions imprimées d’exemplaires portables et de placards, proclamations) se conçoit alors comme celui au terme maximum duquel la loi devient applicable et doit être appliquée erga omnes, selon les Constituants (et à ce moment de l’histoire de l’Assemblée). Et il est encore possible de penser que les Constituants comptent sur un effet cliquet de la publication, c’est-à-dire que les lois publiées acquièrent une réalité incontestable et irréfragable, par cet acte même de publication, que chaque loi publiée accompli un peu plus la Révolution et éloigne un peu plus les menaces de retour en arrière – l’effet cliquet perd ensuite de sa crédibilité en bien des domaines [129]. Le fait que J.-J. Mounier présente sa démission de l’Assemblée le 15 novembre 1789 (qu’il a quittée début octobre [130]), abandonnant sans retour les ambitions monarchiennes, marque aussi l’existence d’un tournant politique devenu patent à cette période. La dureté des qualifications portées contre les manquements des agent publics (prévarication et forfaiture) témoigne de la hauteur de l’enjeu et de la résolution des législateur, comme elles expriment la conception hiérarchique qui préside à la nouvelle organisation institutionnelle [131].
37. Le décret du 5 novembre ne règle cependant pas les difficultés et, le 9 novembre suivant, l’Assemblée adopte les articles constitutionnels sur la présentation & sanction des Lois & la forme de leur promulgation [132] : ces dispositions tirent les conséquences des décisions antérieures relatives là la répartition des fonctions législatives et exécutives, mais elles organisent en sus le circuit de publication. Ainsi, lorsque toutes les opérations de confection de la loi ont été effectuées, elle est adressée, par et « au nom du Pouvoir exécutif […] par les voies que le gouvernement jugera à propos d’employer », « à tous les Tribunaux, Corps administratifs & Municipalités », qui les enregistrent, puis procèdent à sa publication immédiate (« lecture, publication & affiches seront faites sans délai, aussitôt que les Lois seront parvenues aux Tribunaux, Corps administratifs & Municipalités »), enfin la loi devient exécutoire « dans le ressort de chaque Tribunal, à compter du jour où ces formalités y auront été remplies ». Le pouvoir exécutif est responsable et comptable des expéditions aux divers corps devant l’Assemblée [133]. Ces articles constitutionnels répondent, après cinq mois de révolution, à la question du dies ad quo : les lois sont exécutoires à compter du jour de l’accomplissement des formalités de publication. Cette dernière est donc censée permettre immédiatement une connaissance suffisante de la loi. Suivant une lecture extensive des articles, il faudrait pour qu’une loi devienne exécutoire, que la municipalité l’ait publiée dans son ressort, mais cette lecture souffre la contradiction, puisque que le ressort de référence reste celui du tribunal, soit le district (mais ni la réforme territoriale ni la réforme judiciaire n’ont été effectuées à la date du 9 novembre 1789). Un certain flou demeure donc d’où se dégage l’idée réductrice que le sens même de la publication réside dans l’ouverture de la possibilité de recourir au juge [134].
38. En complément de ces mesures, l’Assemblée se dote, le 21 novembre 1789 d’un comité des décrets (une « commission de la surveillance de l’envoi des décrets » [135], puis « comité des décrets, procès-verbaux et archives ») [136], qui assure l’expédition et la promulgation manuscrite ou imprimée des décisions, conjointement avec le Garde des Sceaux (si la sanction est requise). Il doit remédier aux lenteurs de la diffusion des décrets et aux erreurs de copies et de compositions multiples dont sont grevés les textes. Deux commissaires s’ajoutent par ailleurs le 11 décembre suivant, « pour s’assurer par les précautions convenables de l’exactitude des impressions ordonnées par l’Assemblée » [137], ce qui démontre que le ces défauts touchent aussi bien l’Imprimerie de l’Assemblée que l’Imprimerie royale.
39. Considérées ensemble, les décisions des 5, 9, 21 novembre et 11 décembre 1789 livrent un tableau a contrario catastrophique de l’état de la question à cette période : d’une part l’Exécutif comme les institutions locales traîneraient ou rechigneraient à transmettre, enregistrer et publier les lois, d’autre part les moyens de l’Assemblée comme du Gouvernement faillissent aussi bien à communiquer en temps utiles les lois et à en livrer le texte exact ; les moyens publics comme les moyens privés d’information présentent de telles imperfections que la publication des lois en souffre et, par voie de conséquence, leur application efficace et l’information des citoyens. Deux décrets du 14 janvier 1790 complètent ces éléments d’un constat supplémentaire, lié à la compréhension de la législation nouvelle par les citoyens qui ne maîtrise pas, ou pas bien, le français. En effet, l’Assemblée décide que l’instruction sur les municipalités doit être traduite en flamand et allemand, puis que tous les décrets de l’Assemblée le doivent être dans les idiomes locaux [138]. Ces deux décisions qui se heurtent à une multitude de contrariétés (quantité de texte à traduire, connaissance des langues et de leurs nuances vernaculaires, acceptation locale des traductions) et ne reçoivent donc guère d’application, n’en attestent pas moins d’une intention de diffuser la loi le plus largement possible auprès des citoyens quels que soient les parlers, et de la conscience que les Constituants ont acquise de la nécessité de la publication pour le succès de la Révolution et de ses réformes : la première traduction ordonnée concerne l’Instruction sur les municipalités, soit un texte explicatif ; il s’agit de convaincre avant même de mettre en œuvre.
40. Les Constituants reviennent un an plus tard sur les articles constitutionnels décrétés le 9 novembre 1789, par un décret sur la nouvelle forme des Loix, sur leur envoi aux Tribunaux & Corps administratifs, & sur la réforme de l’intitulé des promulgations usité jusqu’à ce jour, du 2 novembre 1790 [139]. Fort de vingt-et-un articles, le nouveau décret régularise comme « lois » une série de textes pris ou transcrits selon des formes irrégulières, et reprend ensuite de manière plus précise les formes, formules et processus de la promulgation et de la publication. Outre la révision des formules et le dépôt parallèle aux archives du Corps législatif et de la Chancellerie des minutes authentiques, le décret ne laisse plus à l’appréciation de l’Exécutif les moyens de l’expédition. Les Constituants entendent décrire tout le cheminement du texte de la loi depuis l’apposition du sceaux de l’État jusqu’à sa publication dans les municipalités, en précisant à chaque échelon (département, district, municipalité, tribunaux) les délais accordés et les devoirs et de chacun (art. IV et suiv.). Le système de diffusion emprunte la voie hiérarchique stricte mais selon deux voies parallèles (art. VI ; à destination des départements par le ministre « ayant la correspondance des Départemens » d’une part, des tribunaux de district par le ministre de la Justice d’autre part). Il impose que le niveau supérieur transmette au niveau subordonné (le ministre au département, le département au disctrict, etc.) un exemplaire du texte authentifié d’un « timbre sec » et d’une signature, qui doit servir à l’enregistrement local et rejoindre ensuite les archives de l’administration concernée, ce dont cette dernière donne en retour certificat (art. VII et VIII). « [P]lusieurs exemplaires de la Loi non timbrés, ni certifiés » sont en outre délivrés, que chaque administration doit, après vérification de l’exactitude de leur contenu, expédier à celles qui lui sont subordonnées, non sans en certifier la conformité (art. VIII). Et les districts procèdent semblablement (enregistrement, certification, expédition) à l’égard des municipalités qui se tiennent aux mêmes obligations (art. IX et XI). Chacun des échelons de l’administration supporte la charge de la publication (en faisant « imprimer des exemplaires de chaque loi, tant en placard qu’en in-4º », art. X). En principe, aucun exemplaire de la loi ne doit être reproduit sans que sa provenance et sa destination restent incertaine et aucun n’échappe à la certification de sa conformité : chaque niveau échange un certificat contre un autre. Cette chaine de précautions minutieuses permet de garantir la diffusion effective par la preuve de la distribution et cette dernière fournit aussi la date à compter de laquelle la loi est connue localement. Dès réception en effet, les départements, districts et municipalités ont obligation de publier « par placards imprimés & affichés » et, par surcroît, dans les « Municipalités de campagne, par la lecture publique à l’issue de la messe paroissiale » (art. XII). Ces publications faites, les municipalités certifient sous huit jours (art. XIII) aux districts l’enregistrement et la publication, de même les district aux départements (sous quinzaine) et les départements au ministre (idem), en sorte que la chaine hiérarchique descendante des certifications d’authenticité se double d’une chaine montante de certification de la publication. Le système se complète en outre du circuit dont le ministre de la Justice à la charge : il en use avec les commissaires du roi près les tribunaux de district comme on en use à l’égard des départements et selon les mêmes formalités (art. XIV), en voie descendante comme montante (art. XVII). Les commissaires doivent « présenter » [140] la loi au tribunal dans les trois jours de sa réception et en requérir la transcription et la publication (art. XV), laquelle publication se fait sous huitaine « tant par la lecture à l’audience, que par placards affichés » (art. XVI). Enfin, le décret prévoit de compléter des enregistrements manquant depuis le début de la Révolution (art. XVIII à XX) et les juges des tribunaux de districts sis dans les sièges des juridictions anciennes reçoivent la mission de vérifier l’exactitude et la complétude des transcriptions opérées par ces dernières durant la période intermédiaire, précédant l’établissement des nouveaux tribunaux, puis d’en donner avis à l’Assemblée comme au ministre de la Justice (art. XXI).
41. Le décret du 2 novembre 1790 perfectionne de beaucoup le dispositif de diffusion et de publication de la loi, dont il doit assurer la meilleure sécurité (la fiabilité du texte littéral) et la célérité par l’encadrement des délais et le contrôle réciproque des rouages de la diffusion. Le luxe des précautions prises, s’il laisse espérer une amélioration de l’effectivité de la législation, manifeste dans le même temps une certaine méfiance, tant à l’égard de l’Exécutif, premier destinataire de ces mesures, que des administrations locales dont la nature civique suscite l’insoumission fréquente. Le décret du 2 novembre 1790 peut être compris, autant comme une amélioration technique que comme une tentative de réaffirmation de l’autorité de la loi et, partant le l’assemblée qui la rédige. Il ne suffit pas à lui seul, lorsque la Législative incline vers la crise, à lui conférer la ressource d’autorité nécessaire à sa survie.
42. Ce système n’évolue plus ensuite jusqu’en frimaire an II, du moins de manière significative : la loi des 10, 18 et 22 mai 1791, relative au droit de pétition et d’Affiche règle la protection de l’affichage officiel, entré en concurrence avec l’affichage politique et commercial [141], et les décrets des 21 juin 1791 (fuite du roi) et du 10 août 1792 (chute de la monarchie constitutionnelle) [142] se contentent de remédier à la suspension puis à la suppression de la sanction royale sans affecter la publication.
43.La Convention nationale, au plus fort de la tourmente, au moment où elle résout de recourir à des mesures radicales pour affronter des dangers radicaux, s’empare de nouveau de la question de la publication des lois comme d’un instrument du Salut public, démontrant la réalité des implications qui restaient jusque là sous-jacentes.
B. – Publier la loi « révolutionnaire » : la création du Bulletin des Lois
44. Le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) fait figure de texte emblématique du Gouvernement révolutionnaire, puisqu’il organise celui-ci et concentre à l’extrême les pouvoirs dans le sein du comité de Salut public (sect° III). Voulu par J.-N. Billaud-Varenne qui bataille longuement pour l’obtenir [143], le premier objet traité par ce décret regarde la publication des lois. Cette dernière ne forme pas le cœur du dispositif, mais son point d’appui. Le décret prend tous son sens de par ses sections II à VI, mais la première section conditionne et prépare les suivantes. Le décret vise avant tout, par l’affirmation de ce que « [l]a Convention nationale est le centre unique de l’impulsion du gouvernement » (art. II-1er) et de ce qu’elle seule interprète la loi (art. II-11), à définir les prérogatives du comité de Salut public – juché sur les épaules de l’Assemblée – en matière de direction des affaires intérieures (art. II-2) et extérieures (art. III-1er), civiles et militaires (art. II-7) de la manière la plus large (sect°. II et III, à laquelle s’ajoute la sect°. IV, relative à l’épuration, art. 1er).
45. La création du Bulletin des lois de la République et de l’agence de l’envoi des lois (ou « bureau » ou « commission ») [144] chargée de superviser son impression et de son expédition répondent aux besoins particuliers du Gouvernement révolutionnaire, en ce que, gouvernement d’exception soumis aux formidables pressions de la guerre étrangère et de la guerre civile, son action exige plus que toute autre, rapidité et exactitude. L’établissement d’un organe officiel de la loi, lui-même contraint, à la précision et à la célérité, paraît ainsi correspondre aux exigences de la situation. Cette création d’un nouvel instrument révèle les faiblesses du système précédent (issu du décret du 2 novembre 1790), ou du moins son inadéquation aux circonstances spéciales de l’an II. Mais il faut encore remarquer que le Bulletin, par le truchement de l’agence de l’envoi des lois se place sous la coupe directe du comité de Salut public (art. I-2, I-11 et I-12 [145]) et, physiquement, auprès de la Convention, en un lieu unique [146] : le système de cascade de réimpressions et de publications, d’échelon en échelon, de novembre 1790 a vécu. De cette manière, le comité s’assure, par le monopôle de la publication, le contrôle de la lettre de la loi qui, surtout « révolutionnaire », revêt symboliquement l’autorité de la Nation, augmentée du salus populi ; ces dispositions parachèvent donc l’emprise du comité sur la Convention et sur les institutions nationales dans leur ensemble et l’acquisition du contrôle de la publication des lois confère à la volonté du comité, à ses actes, une vérité supérieure, d’où les dispositions des sections suivantes du décret tirent un partie non-négligeable de leur force.
46. La première section du décret poursuit ensuite plusieurs buts complémentaires :
- – Garantir l’authenticité d’un texte de loi exacte : l’autorité de la règle ne se conçoit que si le texte respecte scrupuleusement la volonté du législateur (seule légitime) et la reproduit littéralement sans ajouter ni retrancher [147] ; pour cela les membres de l’Agence exercent une surveillance personnelle précise du processus interne de production du Bulletin (art. I-2), responsabilité, dont il répondent personnellement, depuis la communication du texte original par le comité des procès-verbaux (art. I-5), jusqu’à l’expédition postale « à toutes les autorités constituées et à tous les fonctionnaires publics chargés ou de surveiller l’exécution, ou de faire l’application des lois » (art. I-8) ; la concentration des différentes étape de confection sur la seule Agence resserre encore le contrôle du comité qui propose la nomination des agents d el’envoi des lois à la Convention ; enfin les précautions prises contre la falsification (usage d’un papier spécial, art. I-4 ; exigence du contre-seing de deux membres de l’Agence, idem) doivent garantir la sécurité de la loi.
- – Accélérer la publication des lois : condition d’une efficacité vitale, la publication doit à la fois s’étendre et acquérir plus de promptitude ; c’est à quoi tend la prescription limitant le nombre des textes à publier (« Les lois qui concernent l’intérêt public, ou qui sont d’une exécution générale », art. I-1er) ; de même les délais très courts (de un à trois jours selon l’urgence et le volume, entre l’approbation d’un texte par la Convention et son envoi postal, art. I-5 et I-6) accordés pour la confection matérielle du Bulletin.
- – Améliorer l’application des lois : le dessein fondamental du décret du 14 frimaire an II dans son ensemble est de reconquérir une autorité réelle et efficiente (pour la Convention, via son comité de Salut public), propre à renverser, de manière décisive et durable, le sort des événements intérieurs et extérieurs ; aussi bien les destinataires de la législation révolutionnaire sont ils ciblés largement, car envoyé aux autorités constituées, le Bulletin doit permettre en premier lieu une application quasi immédiate de la loi (la publication par proclamation « à son de trompe ou du tambour », plus rapide, doit intervenir dans les vingt-quatre heures de la réception du Bulletin en un lieu quelconque du territoire et cette proclamation rend la loi exécutoire le jour même, art. I-9, cette lecture doit être répétée dans chaque commune les décadis, art. 10) ; en second lieu, l’Agence reçoit mission de s’entourer des « traducteurs nécessaires pour traduire les décrets en différents idiomes encore usités en France, et en langues étrangères pour les lois, discours, rapports et adresses dont la publicité dans les pays étrangers est utile aux intérêts de la liberté de la République française ; le texte français sera toujours placé à côté de la version » (art. I-3) ; il semble bien qu’en 1793, l’intention proclamée le 14 janvier 1790, d’amener par la douceur les locuteurs d’idiomes locaux à la connaissance de la loi, ait fait place à une stratégie plus offensive de reconquête intérieure et de conquête extérieure, et que le français revendique le statu de langue de la liberté.
47. Ces objectifs s’appuient sur un arsenal de peines sévères (sect°. V), puisque les agents de l’envoi des lois et ceux de la poste aux lettres encourent cinq années de fers, en cas de « retards et négligences dans l’expédition du "Bulletin des lois" » (art. V-10). La contrefaçon du Bulletin, quant à elle, est sobrement punie de mort (art. V-9). La sévérité des peines contribue certes à sacraliser le Bulletin, soit à sanctuariser le texte de la loi, mais la section V du décret concerne plus largement l’exécution des lois et le suivi de leur application : les manquements en la matière, volontaires ou involontaires ne s’excusent que par force majeure et appellent de dures punitions (civiques, de prison et de fers, financières).
48. Mais au-delà du texte de frimaire an II, concrètement, l’agence de l’envoi des lois est donc chargée, au-dessus de l’Imprimerie nationale, de prescrire l’impression et l’expédition des lois et décisions sous forme imprimée, en nombre suffisant et de les adresser par voie postale à leurs destinataires. Cette mission implique la mise en place de procédures et la systématisation des démarches, ainsi que la mobilisation et l’ordonnancement de moyens matériels importants. L’agence doit s’assurer de ce que l’Imprimerie nationale dispose des ressources nécessaires, lui faire passer les commandes en temps utiles ; elle doit établir le recensement des besoins et fixer le nombre des exemplaires de chaque texte ; elle doit, après leur impression, les certifier, avant d’en effectuer l’envoi et d’en faire confirmer la réception par les destinataires nombreux. La mission d’« envoi des lois » comporte donc une série d’opérations complexes depuis la demande d’impression jusqu’à a réception par le destinataire. À cela s’ajoutent des contraintes accidentelles : il faut parfois (régulièrement) vérifier l’exactitude littérale des textes dont beaucoup parviennent à l’agence ou à l’Imprimerie avec des coquilles, des manques ou dans des versions inexactes. Ces défauts de la rédaction ou de la copie, à quelque stade de la transmission qu’ils interviennent, réclament de déployer une correspondance spéciale, afin de vérifier, recouper et corriger les textes défectueux. En quelques occasions, les erreurs portent sur des noms, ou entraînent de graves amphibologies dont les conséquences peuvent être lourdes, jusqu’au contresens complet. L’« envoi des lois » inclut ainsi une part d’« enregistrement » – au sens technique et ancien [148] – des textes dont l’Agence opère la diffusion. Et cet « enregistrement » recouvre des enjeux politiques importants, à raison des même des erreurs littérales subsistantes.
49. La centralisation et la systématisation de l’impression des lois conduit l’agence à mettre en place beaucoup plus qu’un bureau, une véritable administration recourant à des moyens, des compétences et des connaissances particulières et spécialisées, soit des locaux (une maison, rue Saint-Marc), des fournitures, un personnel qualifié et des procédures de compilation, de recoupement, de vérification et de collecte d’informations parfaitement réglées. L’agence acquiert en cela suffisamment de compétence pour justifier son durablement son existence.
50. Malgré l’industrie de l’Agence, le Bulletin des lois ne paraît in fine qu’à compter du 22 prairial an II (10 juin 1794 [149]), soit plus de six mois après que le décret du 14 frimaire an II en a ordonné la création et alors que le comité de Salut public qu’il l’avait imaginé vit ses dernières semaines. L’organisation du Gouvernement révolutionnaire dont il formait en principe une base essentielle, su donc se passer de ce support. Il est vrai que les dispositions politiques centrales du décret tenaient en fait dans les deux articles suivants :
« Tous les corps constitués et les fonctionnaires publics sont mis sous l’inspection immédiate du comité de Salut public, pour les mesures de gouvernement et de Salut public, conformément au décret du 19 vendémiaire [an II ; …] » (art. II-2).
« Le comité de Salut public est autorisé à prendre toutes les mesures nécessaires, pour procéder au changement d’organisation des autorités constituées, porté dans le présent décret » (art. IV-1er).
Annexes [150]
=> Décret sur l’envoi des Décrets de l’Assemblée, le Garde-des-Sceaux mandé à l’Assemblée , 26 octobre 1789 (coll. Baudouin, vol. 1, p. 139-140) :
« Un Membre de l’Assemblée ayant dit que le Décret du 4 Août n’étoit point envoyé aux Municipalités, qu’elles avoient seulement reçu les deux Lettres que le Roi avoit adressées sur cet objet à l’Assemblés, & qu’il en étoit de même du Décret concernant la libre circulation des Grains,
L’Assemblée Nationale a décrété que les Arrêté du 4 Août & jours suivans, dont le Roi a ordonné la publication, ainsi que tous les Arrêtés & Décrets qui ont été acceptés ou sanctionnés par Sa Majesté, seront, sans aucune addition, changement, ni observations, envoyés aux Tribunaux, Municipalités & autres Corps administratifs, pour y être transcrits sur leurs registres, sans modification ni délai, & être lus, publiés & affichés
Que le Garde-des-Sceaux sera mandé pour rendre compte des motifs du retard apporté à la publication & promulgation des différens Décrets, ainsi que des additions, modifications & changemens qui y ont été faits, & des raisons qui ont déterminé à faire publier les observations envoyées, au nom du Roi, sur les Décrets du 4 Août & jours suivans ».
=> Arrêté concernant l’expédition & l’impression des Actes émanés de l’Assemblée , 30 octobre 1789 (coll. Baudouin, vol. 1, p. 152) :
« Un prétendu extrait du Procès-verbal de l’Assemblée Nationale ayant été par erreur présenté à la signature de M. le Président & de MM. les Secrétaires,
L’Assemblée Nationale a ordonné la suppression du faux extrait, & cependant que les Commis du Secrétariat ne pourront donner communication ou copie des Procès-verbaux, Décrets ou papiers, sans un ordre des Secrétaires de l’Assemblée Nationale, & que son Imprimeur n’imprimera aucun acte émané d’elle, sans en avoir reçu l’ordre du Président ou des Secrétaires ».
=> Décret sur l’envoi des Décrets de l’Assemblée dans les Provinces, & sur leur transcription , 5 novembre 1789 (accepté par le Roi ; sanctionné le 6 du même mois ; coll. Baudouin, vol. 1, p. 158-159) :
« L’Assemblée Nationale a décrété :
1°. Qu’il sera demandé à M. le Garde-des-Sceaux & au Secrétaire d’État, de représenter les certificats ou accusés de réception des décrets de l’Assemblée Nationale, & spécialement du décret concernant la réformation de la Procédure criminelle, qu’il a dû recevoir des dépositaires du Pouvoir judiciaire, & des Commissaires départis dans les Généralités auxquelles l’envoi en a été fait ; & qu’il sera provisoirement sursis à l’exécution de tous jugemens en dernier ressort, & arrêts rendus dans la forme ancienne par quelque Tribunal ou Cour de Justice que ce soit, postérieurement à l’époque où le décret a dû parvenir à chaque Tribunal.
2°. Que toute Cour, même en vacation, Tribunal, Municipalité & Corps administratif qui n’auront pas inscrit sur leurs registres, dans les trois jours après la réception, & fait publier dans la huitaine les lois faites par les Représentans de la Nation, sanctionnées ou acceptées, & envoyées par le Roi, seront poursuivis comme prévaricateurs dans leurs fonctions, & coupables de forfaiture.
3°. Que les dénonciations faites contre les Tribunaux qui auroient refusé d’exécuter les décrets de l’Assemblée, avec les pièces jointes aux dénonciations, seront remises au Comité des Recherches, pour en être incessamment rendu compte à l’Assemblée ».
=> Articles de Constitution sur la présentation & sanction des Lois & la forme de leur promulgation , 9 novembre 1789 (acceptés par le Roi ; coll. Baudouin, vol. 1, p. 160-162) :
« L’Assemblée Nationale décrète ce qui suit :
Le Corps Législatif présentera ses Décrets au Roi, ou séparément à mesure qu’ils seront rendus, ou ensemble à la fin de chaque Session.
Le consentement royal sera exprimé sur chaque Décret, par cette formule signée du Roi : Le Roi consent & & fera exécuter.
Le refus suspensif sera exprimé par celle-ci : Le Roi examinera.
L’expression de Roi de France sera changée en celle de ROI DES FRANÇOIS, & il ne sera rien ajouté à ce titre.
Les signature, contre-seing & sceau seront uniformes pour tout le Royaume.
La promulgation des Lois sera ainsi conçue :
"LOUIS, par la grâce de Dieu, & la Loi constitutionnelle de l’État, ROI DES FRANÇOIS, à tous présens & à venir, SALUT. L’Assemblée nationale a décrété, & nous voulons & ordonnons ce qui suit, &c."
La copie littérale du Décret sera insérée sans addition ni observation.
"Mandons & ordonnons à tous les Tribunaux, Corps Administratifs & Municipalités, que les présentes ils fassent transcrire sur leurs registres, lire, publier & afficher dans leurs ressorts & départemens respectifs, & exécuter comme Loi du Royaume. En foi de quoi nous avons signé & fait contresigner les présentes auxquelles nous avons fait apposer le Sceau de l’État. A…le…&c."
La Loi étant sanctionnée, M. le Garde-des-Sceaux en enverra à l’Assemblée nationale une expédition signée & scellée, pour être déposée dans ses archives.
Les Décrets sanctionnés par le Roi porteront le nom & l’intitulé de Lois ; elles seront scellées & expédiées aussitôt après que le consentement du Roi aura été apposé au Décret.
Elles seront adressées à tous les Tribunaux, Corps administratifs & Municipalités.
La transcription sur les registres, lecture, publication & affiches seront faites sans délai, aussitôt que les Lois seront parvenues aux Tribunaux, Corps administratifs & Municipalités, & elles seront mises à exécution dans le ressort de chaque Tribunal, à compter du jour où ces formalités y auront été remplies.
Dans la formule des Lois, les Décrets de l’Assemblée nationale seront copiés sans intitulé ; elles seront envoyées, au nom du Pouvoir exécutif, à tous les Tribunaux & à toutes les Municipalités, par les voies que le gouvernement jugera à propos d’employer ; enfin le Pouvoir exécutif se fera certifier l’envoi des Lois, & il en justifiera à la réquisition de l’Assemblée ».
=> Établissement de Commissaires pour surveiller les impressions , 11 décembre 1789 (coll. Baudouin, vol. 1, p. 191) :
« L’Assemblée nationale a décrété qu’il seroit nommé deux commissaires pour s’assurer par les précautions convenables de l’exactitude des impressions ordonnées par l’Assemblée ».
=> Décret sur la traduction en flamand & en allemand de l’instruction sur la nouvelle formation des municipalités , 14 janvier 1790 (coll. Baudouin, vol. 2, p 14) :
« Un honorable Membre (M. Bouchette, Député de Bailleul) a proposé de traduire en langue flamande l’instruction sur la nouvelle formation des Municipalités du Royaume, & de la faire imprimer en deux colonnes, le françois d’un côté & le flamand de l’autre, pour être envoyée dans la Flandre : l’Assemblée a approuvé la proposition, & l’a autorisé à l’exécuter.
L’Assemblée Nationale a décrété aussi que l’instruction sur la nouvelle formation des Municipalités seroit traduite en allemand pour être envoyée en Alsace & dans la Lorraine-Allemande ».
=> Décret sur la traduction des décrets dans les différens Idiômes , 14 janvier 1790 (coll. Baudouin, vol. 2, p 15) :
« L’Assemblée Nationale a décrété :
Que le pouvoir exécutif sera chargé de faire traduire les Décrets de l’Assemblée dans les différens idiômes, & de les faire parvenir ainsi traduits dans les différentes Provinces du Royaume ».
=> Décret sur la nouvelle forme des Loix, sur leur envoi aux Tribunaux & Corps administratifs, & sur la réforme de l’intitulé des promulgations usité jusqu’à ce jour , 2 novembre 1790 (sanctionné le 5 du même mois ; coll. Baudouin, vol. 8, p. 3-8) :
« L’Assemblée Nationale, après avoir entendu le rapport fait par le Comité de Constitution, déclare :
1°. Que tous les Décrets rendus jusqu’à présent par l’Assemblée Nationale, sur lesquels le consentement royal est intervenu, sont valablement acceptés ou sanctionnés, quelle que soit la formule par laquelle le consentement du Roi a été exprimé.
2º. Que tous les Décrets acceptés ou sanctionnés par le Roi, promulgués sous les divers titres de Lettres-Patentes, Proclamation du Roi, Déclaration du Roi, Arrêt du Conseil, ou tous autres, sont également loix du Royaume, & que la différence dans l’intitulé des promulgations n’en produit aucune pour la validité de ces loix.
3°. Que les transcriptions & publications de ces loix faites par les Corps administratifs, par les Tribunaux & par les Municipalités, sous quelque titre & en quelque forme que l’adresse leur en ait été faite, sont toutes également de même valeur.
4º. Que ces loix sont obligatoires du moment où la publication en a été faite, soit par le Corps administratif, soit par le Tribunal de l’arrondissement, sans qu’il soit nécessaire qu’elle ait été faite par tous les deux.
Au surplus, l’Assemblée Nationale décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
A l’avenir, il sera fait pour chaque Décret deux minutes en papier, sur chacune desquelles le consentement royal sera exprimé par cette formule : le Roi accepte & fera exécuter, lorsqu’il s’agira d’un Décret constitutionnel ; ou par celle ci : le Roi consent & fera exécuter, lorsque le Décret ne sera que législatif ; & si, en ce dernier cas, le Roi refusoit son consentement, son refus suspensif seroit exprimé sur chaque minute par la formule, le Roi examinera. Une de ces minutes avec la réponse du Roi, signée par lui, & contresignée par le Ministre de la justice, sera remise aux Archives du Corps législatif.
II. Aucune autre formule ne sera employée pour exprimer, soit l’acceptation, soit la sanction, soit le refus suspensif du Roi.
III. Il sera fait de chaque Décret accepté ou sanctionné, deux expéditions en parchemin, dans la forme établie pour la promulgation des Loix par les Décrets constitutionnels des 8, 10 & 11 Octobre 1789, qui sera la seule forme suivie désormais. Ces deux expéditions, signées du Roi, contresignées par le Ministre de la justice, & scellées du sceau de l’État, seront les originaux authentiques de chaque Loi, dont un restera déposé à la Chancellerie, & l’autre sera remis aux Archives du Corps législatif.
IV. Le Ministre de la justice fera imprimer autant d’exemplaires de chaque Loi, qu’il en sera nécessaire pour les envois à faire, tant aux Corps administratifs de Département & de District, qu’aux Tribunaux de District.
V. Il fera marquer d’un timbre sec du sceau de l’État les exemplaires qui seront envoyés aux quatre-vingt trois Administrations de Département & aux Tribunaux de District, & certifiera par sa signature, sur chacun de ces exemplaires, qu’il est conforme aux originaux authentiques de la Loi.
VI. Les envois seront faits au nom du Roi, savoir, aux Administrations de Département par le Ministre ayant la correspondance des Départemens, & aux Tribunaux de District, par le Ministre de la justice.
VII. Il sera envoyé à chaque Administration de Département, un exemplaire marqué du timbre sec du sceau de l’État, & certifié par la signature du Ministre de la justice ; cet exemplaire restera déposé aux archives du Département, après avoir été transcrit sur les registres de l’Administration.
VIII. Il sera en même-temps envoyé à chaque Administration de Département, plusieurs exemplaires de la Loi non timbrés, ni certifiés par le Ministre de la justice, lesquels seront incessamment adressés par l’Administration de Département à celles de District qui lui sont subordonnées, après que la première aura préalablement vérifié & certifié sur chaque exemplaire, qu’il est conforme à celui qu’elle a reçu timbré & certifié par le Ministre.
IX. Les Administrations de District feront transcrire sur leurs registres, & déposer dans leurs archives toutes les loix qui leur seront envoyées par les Administrations de Département, certifiées par ces dernières, ainsi qu’il est dit en l’article précédent.
X. Les Administrations de Département feront imprimer des exemplaires de chaque loi, tant en placard qu’en in-4º., & les enverront sous ce double format aux Administrations de District, pour être adressées par celles-ci aux Municipalités de leur ressort, après qu’elles auront certifié sur chaque exemplaire in-4°. sa conformité avec celui qu’elles ont reçu certifié par l’Administration de Département.
XI. Les Administrations de District feront, dans le plus bref délai, ces envois aux Municipalités ; celles-ci dresseront procès-verbal sur leur registre de la réception, de chaque loi, & rassembleront en forme de registre, tous les six mois, ou au plus tard à la fin de chaque année, toutes les loix qu’elles auront reçues.
XII. Les Corps administratifs, tant de Département que de District, publieront dans la Ville où ils sont établis, par placards imprimés & affichés, toutes les loix qu’ils auront transcrites ; & cette publication sera faite en chaque Municipalité par l’affiche des placards qui auront été envoyés aux Officiers Municipaux par l’Administration de District, & en outre, à l’égard des Municipalités de campagne, par la lecture publique à l’issue de la messe paroissiale.
XIII. Les Administrations de Département certifieront le Ministre dans le délai de quinzaine, tant de la transcription & publication qu’ils auront fait faire, que de l’envoi aux Administrations de District qui leur sont subordonnées.
Les Administrations de District certifieront celles de Département, dans le même délai, tant de la transcription & publication par elles faites, que de l’envoi aux Municipalités de leur arrondissement.
Les Municipalités certifieront dans la huitaine les Administrations de District, tant de la réception, que de la mention faite sur leur registre, & de la publication.
XIV. Le Ministre de la justice enverra directement à chacun des Commissaires du Roi près les Tribunaux de District, un exemplaire de chaque loi, certifié par sa signature, & timbré du sceau de l’État.
XV. Chaque Commissaire du Roi présentera la loi au Tribunal près duquel il fait ses fonctions, dans les trois jours de la réception, & il en requerra la transcription & la publication.
XVI. Le Tribunal sera tenu, sur la présentation de la loi, d’en faire faire, dans la huitaine, la transcription & la publication, tant par la lecture à l’audience, que par placards affichés.
XVII. Les Commissaires du Roi certifieront le Ministre de la justice, dans le délai de quinzaine, tant de la réception de la loi & de la présentation qu’ils en auront faite au tribunal, que de la transcription & publication exécutées, ou du retard apporté par le tribunal.
XVIII. Les Décrets acceptés ou sanctionnés depuis la suppression des Parlemens, Conseils-supérieurs & autres Cours de justice, & ceux qui, ayant été rendus antérieurement, n’auroient pas été envoyés aux Parlemens, Conseils-supérieurs ou autres Cours supprimées, seront adressés sans délai, si fait n’a été, aux Corps administratifs, & exécutés sur la publication qu’ils en auront fait faire.
XIX. Il en sera usé de même à l’égard des Décrets qui seront acceptés & sanctionnés, jusqu’à l’installation des nouveaux tribunaux.
XX. Les Décrets mentionnés dans les deux articles précédens, seront adressés aux nouveaux Tribunaux après leur installation, transcrits & publiés par eux dans les formes établies par les articles précédens.
XXI. Les Juges des tribunaux de District établis dans les Villes où siégoient les anciens Parlemens, Conseils-supérieurs, & autres Cours de justice supprimées, se feront représenter incessamment les registres de transcription qui servoient à ces anciens Tribunaux, vérifieront les transcriptions qui y ont été faites ; & s’ils y remarquent quelques omissions, ils en donneront avis, tant à l’Assemblée Nationale, qu’au Ministre de la justice ».
=> Décret relatif au droit de Pétition [et d’Affiche] , & qui fixe les cas où les Citoyens pourront requérir la convocation de la Commune , 10, 18 mai 1791, art. XI à XV (sanctionné le 20 du même mois ; coll. Baudouin, vol. 14, p. 219-222.
« L’Assemblée Nationale décrète ce qui suit :
[…]
XI. Dans les villes & dans chaque municipalité, il sera par les officiers municipaux, désigné des lieux exclusivement destinés à recevoir les affiches des loix & des actes de l’autorité publique. Aucun citoyen ne pourra faire des affiches particulières dans lesdits lieux, sous peine d’une amende de cent livres, dont la condamnation sera prononcée par voie de police.
XII. Les loix que les municipalités recevront par la voie des administrations de département & de district, seront dans les villes, lues à haute voix par le greffier municipal, à la porte de la maison commune, & dans les bourgs ou villages, à la porte de l’église.
XIII. Aucun citoyen & aucune réunion de citoyens ne pourront rien afficher sous le titre d’arrêtés, de délibérations, ni sous toute autre forme obligatoire & impérative.
XIV. Aucune affiche ne pourra être faite sous un nom collectif ; tous les citoyens qui auront coopéré à une affiche, seront tenus de la signer.
XV. La contravention aux deux articles précédens, sera punie d’une amende de cent livres, laquelle ne pourra être modérée, & dont la condamnation sera prononcée par voie de police ».
=> Décret relatif à la publication des Décrets dans la forme des Lois, & avec la formule ordinaire , 21 juin 1791 (scellé le même jour ; coll. Baudouin, vol. 15, p. 292-293).
« L’Assemblée Nationale décrète ce qui suit :
1°. Les Décrets de l’Assemblée Nationale déjà rendus, qui n’auroient été ni sanctionnés, ni acceptés par le roi, ainsi que les décrets à rendre qui ne pourroient être ni sanctionnés, ni acceptés à raison de l’absence du Roi, porteront néanmoins le nom, & auront dans toute l’étendue du Royaume la force de Lois, & la formule ordinaire continuera d’y être employée.
2°. Il est enjoint au Ministre de la justice d’y apposer le sceau de l’État, sans qu’il soit besoin de la sanction ni de l’acceptation du Roi, & de signer tant les minutes des décrets qui doivent être déposées aux Archives nationales & à celles de la Chancellerie, que les expéditions des Lois qui doivent être envoyées aux Tribunaux & aux Corps administratifs.
3°. Les Ministres sont autorisés à se réunir pour faire & signer ensemble les proclamations & autres actes de même nature ».
=> 1288. Décret qui charge le Comité des Décrets de l’Envoi de toutes les Loix jusqu’à l’organisation du nouveau Ministère , 10 août 1792 (Procès-verbal, t. XII, p. 15 ; coll. Baudouin, vol. 31, p. 11) :
« L’Assemblée Nationale décrète que jusqu’à l’organisation du nouveau Ministère, le Comité des Décrets est provisoirement chargé de faire l’envoi de toutes les loix & de tous les actes du corps législatif ».
=> 1289. Décret pour constater que les Décrets auront été remis à leur destination , 10 août 1792 (Procès-verbal, t. XII, p. 15 ; coll. Baudouin, vol. 31, p. 11) :
« L’Assemblée Nationale, considérant qu’il est important d’adopter sur-le-champ une mesure qui puisse constater que ses Décrets auront été remis à leur destination,
Décrète que les porteurs des Décrets ou autres actes du Corps législatif prendront un récépissé des Corps administratifs ou des individus auxquels ils seront chargés de les transmettre ».
=> 1290. Décret relatif aux Décrets non-sanctionnés, & qui ne pourroient l’être à cause de la suspension du Roi , 10 août 1792 (= 11 du même mois ; Procès-verbal, t. XII, p. 16 ; coll. Baudouin, vol. 31, p. 11-12) :
L’Assemblée Nationale, considérant qu’il importe de régler la forme de ses Décrets pendant la suspension du Pouvoir exécutif, décrète qu’il y a urgence.
L’Assemblée Nationale, après avoir décrété l’urgence, décrète ce qui suit :
ARTICLE PREMIER.
Les Décrets déjà rendus, & qui n’auroient pas été sanctionnés, & les Décrets à rendre qui ne pourroient l’être à cause de la suspension du Roi, porteront néanmoins le nom de Loi, & en auront la force dans toute l’étendue du Royaume. La formule ordinaire continuera d’y être employée.
II. Il est enjoint au Ministre de la Justice d’y apposer le sceau de l’État, sans qu’il suit besoin de sanction du Roi, & de signer les minutes & expéditions des Loix qui doivent être envoyées aux Tribunaux & aux Corps administratifs ; les Ministres arrêteront & signeront ensemble les Proclamations & autres actes de même nature ».
=> 1291. Décret relatif à l’impression & publication des Décrets , 10 août 1792 (= 11 du même mois ; coll. Baudouin, vol. 31, p. 12) :
« L’Assemblée Nationale décrète qu’à compter de ce jour tous ses Décrets seront imprimés & publiés sans préambule, & qu’ils seront terminés par le mandement accoutumé, & signés par le Ministre de la Justice au nom de la Nation ».
=> Décret du 14 frimaire an II, 4 décembre 1793 (Archives parlementaires, t. 80, p. 628-637) [151] :
« La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public (Billaud-Varenne, rapporteur), décrète :
Section Ire. – Envoi et promulgation des lois Art. [I-]1er. – Les lois qui concernent l’intérêt public, ou qui sont d’une exécution générale, seront imprimées séparément dans un bulletin numéroté, qui servira désormais à leur notification aux autorités constituées. Ce bulletin sera intitulé "Bulletin des lois de la République".
Art. [I-]2. –Il y aura une imprimerie exclusivement destinée à ce bulletin, et une Commission de quatre membres pour en suivre les épreuves et pour en expédier l’envoi. Cette Commission dont les membres seront personnellement responsables de la négligence et des retards dans l’expédition, est placée sous la surveillance immédiate du comité de Salut public.
Art. [I-]3. – La Commission de l’envoi des lois réunira dans un bureau les traducteurs nécessaires pour traduire les décrets en différents idiomes encore usités en France, et en langues étrangères pour les lois, discours, rapports et adresses dont la publicité dans les pays étrangers est utile aux intérêts de la liberté de la République française ; le texte français sera toujours placé à côté de la version.
Art. [I-]4. – Il sera fabriqué un papier particulier pour l’impression de ce "bulletin", qui portera le sceau de la République : les lois y seront imprimées telles qu’elles sont délivrées par le comité des procès-verbaux ; chaque numéro portera de plus ces mots : Pour copie conforme, et le contre-seing de deux membres de la Commission de l’envoi des lois.
Art. [I-]5. – Les décrets seront délivrés par le comité des procès-verbaux à la Commission de l’envoi des lois, et sur sa réquisition, le jour même où leur rédaction aura été approuvée ; et la lecture de cette rédaction sera faite, au plus tard, le lendemain du jour où le décret aura été rendu.
Art. [I-]6. – L’envoi des lois d’une exécution urgente aura lieu dès le lendemain de l’approbation de leur rédaction. Quant aux lois moins pressantes ou très volumineuses, leur expédition ne pourra être retardée plus de trois jours après l’adoption de [l]eur rédaction.
Art. [I-]7. – Le "Bulletin des lois" sera envoyé par la poste aux lettres. Le jour du départ et le jour de la réception seront constatés de la même manière que les paquets chargés.
Art. [I-]8. – Ce "Bulletin" sera adressé directement, et jour par jour, à toutes les autorités constituées, et à tous les fonctionnaires publics, chargés, ou de surveiller l’exécution, ou de faire l’application des lois. Ce "Bulletin" sera aussi distribué aux membres de la Convention.
Art. [I-]9. – Dans chaque lieu, la promulgation de la loi sera faite dans les vingt-quatre heures de la réception, par une publication au son de trompe ou du tambour ; et la loi deviendra obligatoire à compter du jour de la proclamation.
Art. [I-]10. – Indépendamment de cette proclamation dans chaque commune de la République, les lois seront lues aux citoyens dans un lieu public, chaque décadi, soit par le maire, soit par un officier municipal, soit par les présidents de sections.
Art. [I-]11. – Le traitement de chaque membre de la Commission de l’envoi des lois sera de 8,000 livres. Ces membres seront nommés par la Convention sur une liste présentée par le comité de Salut [p]ublic.
Art. [I-]12. – Le comité de Salut public est chargé de prendre toutes les mesures nécessaires pour l’exécution des articles précédents et d’en rendre compte tous les mois à la Convention.
Section II. – Exécution des lois Art. [II-]1er. – La Convention nationale est le centre unique de l’impulsion du gouvernement.
Art. [II-]2. – Tous les corps constitués et les fonctionnaires publics sont mis sous l’inspection immédiate du comité de Salut public, pour les mesures de gouvernement et de Salut public, conformément au décret du 19 vendémiaire [an II] ; et pour tout ce qui est relatif aux personnes et à la police générale et intérieure, cette inspection particulière appartient au comité de Sûreté générale de la Convention, conformément au décret du 17 septembre dernier [1793] : ces deux comités sont tenus de rendre compte, à la fin de chaque mois, des résultats de leurs travaux à la Convention nationale. Chaque membre de ces deux comités est personnellement responsable de l’accomplissement de cette obligation.
Art. [II-]3. – L’exécution des lois se distribue en surveillance et en application.
Art. [II-]4. – La surveillance active relativement aux lois et mesures militaires, aux lois administrative, civiles et criminelles, est déléguée au conseil-exécutif, qui en rendra compte par écrit, tous les dix jours, au comité de Salut public, pour lui dénoncer les retards et les négligences dans l’exécution des lois civiles et criminelles, des actes de gouvernement, et des mesures militaires et administratives, ainsi que des violations de ces lois et de ces mesures, et les agents qui se rendront coupables de ces négligences et de ces infractions.
Art. [II-]5. – Chaque ministre est en outre personnellement tenu de rendre un compte particulier et sommaire des opérations de son département, tous les dix jours, au comité de Salut public, et de dénoncer tous les agents qu’il emploie, et qui n’auraient pas exactement rempli leurs obligations.
Art. [II-]6. – La surveillance de l’exécution des lois révolutionnaires et des mesures de gouvernement, de sûreté générale et de Salut public dans les départements, est exclusivement attribuée aux districts, à la charge d’en rendre compte exactement tous les dix jours au comité de Salut public, pour les mesures de gouvernement et de Salut public, et au comité de Surveillance de la Convention, pour ce qui concerne la police générale et intérieure, ainsi que les individus.
Art. [II-]7. – L’application des mesures militaires appartient aux généraux et aux autres agents attachés au service des armées ; l’application des lois militaires appartient au tribunaux militaires ; celle des lois relatives aux contributions, aux manufactures, aux grandes routes, aux canaux publics, à la surveillance des domaines nationaux appartient aux administrations de départements ; celle des lois civiles et criminelles, aux tribunaux ; à la charge expresse d’en rendre compte tous les dix jours au conseil exécutif.
Art. [II-]8. – L’application des lois révolutionnaire et des mesures de sûreté générale et de Salut public est confié aux municipalités et aux comités de surveillance ou révolutionnaires, à la charge pareillement de rendre compte, tous les dix jours, de l’exécution de ces lois au district de leur arrondissement comme chargé de leur surveillance immédiate.
Art. [II-]9. – Néanmoins, afin qu’à Paris l’action de la police n’éprouve aucune entrave, les comités révolutionnaires continueront de correspondre directement et sans aucun intermédiaire, avec le comité de Sûreté générale de la Convention, conformément au décret du 17 septembre dernier [1793].
Art. [II-]10. – Tous les corps constitués enverront aussi, à la fin de chaque mois l’analyse de leurs délibérations et de leurs correspondances à l’autorité qui est spécialement chargée, par ce décret, de les surveiller immédiatement.
Art. [II-]11. – Il est expressément défendu à toute autorité et à tout fonctionnaire public de faire des proclamations, ou de prendre des arrêtés extensifs, limitatifs ou contraires au sens littéral de la loi, sous prétexte de l’ éter ou d’y suppléer.
À la Convention seule appartient le droit de donner l’interprétation des décrets ; et l’on ne pourra s’adresser qu’à elle seule pour cet objet. Art. [II-]12. – Il est également défendu aux autorités intermédiaires, chargées de surveiller l’exécution et l’application des lois, de prononcer aucune décision, et d’ordonner l’élargissement des citoyens arrêtés. Ce droit appartient exclusivement à la Convention nationale, aux comités de Salut public et de Sûreté générale, aux représentants du peuple dans les départements et près les armées et aux tribunaux, en faisant l’application des lois criminelles et de police.
Art. [II-]13. – Toutes les autorités constituées seront sédentaires et ne pourront délibérer que dans le lieu ordinaire de leurs séances, hors les cas de force majeure, et à l’exception seulement des juges de paix et de leurs assesseurs, et des tribunaux criminels des départements, conformément aux lois qui consacrent leur ambulance.
Art. [II-]14. – À la place des procureurs syndics de district, des procureurs de commune et de leurs substituts qui sont supprimés par ce décret, il y aura des agents nationaux spécialement chargés de requérir et de poursuivre l’exécution des lois ainsi que de dénoncer les négligences apportées dans cette exécution, et les infractions qui pourraient se commettre. Ces agents nationaux sont autorisés à se déplacer et à parcourir l’arrondissement de leur territoire, pour surveiller et s’assurer plus positivement que les lois sont exactement exécutées.
Art. [II-]15. – Les fonctions des agents nationaux seront exercées par les citoyens qui occupent maintenant les places de procureurs syndics de district, de procureurs des communes et le leurs substituts, à l’exception de ceux qui sont dans le cas d’être destitués.
Art. [II-]16. – Les agents nationaux attachés aux district, ainsi que tout autre fonctionnaire public, chargé personnellement par ce décret, ou de requérir l’exécution de la loi, ou de la surveiller plus particulièrement, sont tenus d’entretenir une correspondance exacte avec les comités de Salut public et de Sûreté générale. Ces agents nationaux écriront aux deux comités tous les dix jours, en suivant les relations établies par l’article 10 de cette section, afin de certifier les diligences faites pour l’exécution de chaque loi, et dénoncer les retards, et les fonctionnaires publics négligents et prévaricateurs.
Art. [II-]17. – Les agents nationaux attachés aux communes sont tenus de rendre le même compte au district de leur arrondissement, et les présidents des comités de surveillance et révolutionnaires entretiendront la même correspondance, tant avec le comité de Sûreté générale, qu’avec le district chargé de les surveiller.
Art. [II-]18. – Les comité de Salut public et de Sûreté générale sont tenus de dénoncer à la Convention nationale les agents nationaux et tout autre fonctionnaire public chargé personnellement de la surveillance ou de l’application des lois, pour les faire punir conformément aux dispositions portées dans le présent décret.
Art. [II-]19. – Le nombre des agents nationaux, soit auprès des districts, soit auprès des communes, sera égal à celui des procureurs syndics des districts et de leurs substituts, et des procureurs de commune et de leurs substituts actuellement en exercice.
Art. [II-]20. – Après l’épuration faite des citoyens appelés par ce décret à remplir les fonctions des agents nationaux près les districts, chacun d’eux fera passer à la Convention nationale, dans les vingt-quatre heures de l’épuration, les noms de ceux qui auront été ou conservés ou nommés dans cette place, et la liste en sera lue à la tribune, pour que les membres de la Convention s’expliquent sur les individus qu’ils pourront connaître.
Art. [II-]21. – Le remplacement des agents nationaux près les districts qui seront rejetés, sera provisoirement fait par la Convention nationale.
Art. [II-]22. – Après que la même épuration aura été opérée dans les communes, elles enverront, dans le même délai, une pareille liste au district de leur arrondissement, pour y être proclamée publiquement.
Section III. Compétence des autorités constituées [152] Art. [III-]1er. – Le comité de Salut public est particulièrement chargé des opérations majeures en diplomatie ; il traitera directement ce qui dépend de ces mêmes opérations.
Art. [III-]2. – Les représentants du peuple correspondront tous les dix jours avec le comité de Salut public. Ils ne pourront suspendre et remplacer les généraux que provisoirement, et à la charge d’en instruire dans les vingt-quatre heures le comité de Salut public ; ils ne pourront contrarier ni arrêter l’exécution des arrêtés et des mesures de gouvernement pris par le comité de Salut public ; ils se conformeront dans toutes les missions aux dispositions du décret du 6 frimaire [an II / 26 novembre 1793].
Art. [III-]3. – Les fonctions du conseil exécutif seront déterminées d’après les bases établies dans le présent décret.
Art. [III-]4. – La Convention se réserve la nomination des généraux en chef des armées de terre et de mer. Quant aux autres officiers généraux, les ministres de la guerre et de la marine ne pourront faire aucune promotion sans en avoir présenté la liste ou la nomination motivée au comité de Salut public, pour être par lui acceptée ou rejetée. Ces deux ministres ne pourront pareillement destituer aucun des agents militaires nommés provisoirement par les représentants du peuple envoyés près les armées, sans en avoir fait la proposition écrite et motivée au comité de Salut public et sans que le comité l’ai acceptée.
Art. [III-]5. – Les Administrations de département restent spécialement chargées de la répartition des contributions entre les districts, et de l’établissement des manufactures, des grandes routes et des canaux publics, de la surveillance des domaines nationaux. Tout ce qui est relatif aux lois révolutionnaires, et aux mesures de gouvernement et de Salut public, n’est plus de leur ressort. En conséquence, la hiérarchie qui plaçait les districts, les municipalités, ou toute autre autorité sous la dépendance des départements, est supprimée, pour ce qui concerne les lois révolutionnaires et militaires, et les mesures de gouvernement, de Salut public et de Sûreté générale.
Art. [III-]6. – Les conseils généraux, les présidents et les procureurs généraux syndics des départements sont également supprimés. L’exercice des fonctions de président sera alternatif entre les membres du directoire, et ne pourra durer plus d’un mois. Le président sera chargé de la correspondance et de la réquisition et surveillance particulière dans la partie d’exécution confiée aux directoires de département.
Art. [III-]7. – Les présidents et les secrétaires des comités révolutionnaires et de surveillance, seront pareillement renouvelés tous les quinze jours et ne pourront être réélus qu’après un mois d’intervalle.
Art. [III-]8. – Aucun citoyen déjà employé au service de la République ne pourra exercer ni concourir à l’exercice d’une autorité chargée de la surveillance médiate ou immédiate de leurs fonctions.
Art. [III-]9. – Ceux qui réunissent ou qui concourent à l’exercice cumulatif de semblables autorités, seront tenus de faire leur option dans les vingt-quatre heures de la publication de la présente loi.
Art. [III-]10. – Tous les changements ordonnés par le présent décret seront mis à exécution dans les trois jours à compter de la publication de ce décret.
Art. [III-]11. – Les règles de l’ancien ordre établi et auxquelles il n’est rien changé par ce décret seront suivies jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné. Seulement les fonctions du district de Paris sont attribuées au département, comme étant devenues incompatibles, par cette nouvelle organisation, avec les opérations de la municipalité.
Art. [III-]12. – La faculté d’envoyer des agents appartient exclusivement au comité de Salut public, aux représentants du peuple, au conseil exécutif et à la commission des subsistances. L’objet de leur mission sera énoncé en termes précis dans leur mandat. Ces missions se borneront strictement à faire exécuter les mesures révolutionnaires et de Sûreté générale, les réquisitions et les arrêtés pris par ceux qui les auront nommés. Aucun des commissaires ne pourra s’écarter des limites de son mandat ; et dans aucun cas, la délégation des pouvoirs ne peut avoir lieu.
Art. [III-]13. – Les membres du conseil exécutif sont tenus de présenter la liste motivée des agents qu’ils enverront dans les départements, aux armées et chez l’étranger, au comité de Salut public, pour être par lui vérifiée et acceptée.
Art. [III-]14. – Les agents du conseil exécutif et de la Commission des subsistances sont tenus de rendre compte exactement de leurs opérations aux représentants du peuple qui se trouveront dans les mêmes lieux. Les pouvoirs des agents nommés par les représentants près les armées et dans les départements expireront dès que la mission des représentants sera terminée, ou qu’il seront rappelés par décret.
Art. [III-]15. – Il est expressément défendu à toute autorité constituée, à tout fonctionnaire public, à tout agent employé au service de la République, d’étendre l’exercice de leurs pouvoirs au-delà du territoire qui leur est assigné, de faire des actes qui ne sont pas de leur compétence, d’empiéter sur d’autres autorités et d’outrepasser les fonctions qui leur sont déléguées, ou de s’arroger celles qui ne leur sont pas confiées.
Art. [III-]16. – Il est aussi expressément défendu à toute autorité constituée d’altérer l’essence de son organisation, soit par des réunions avec d’autres autorités, soit par des délégués chargés de former des assemblées centrales, soit pas des commissaires envoyés à d’autres autorités constituées. Toutes les relations entre tous les fonctionnaires publics ne peuvent avoir lieu que par écrit.
Art. [III-]17. – Tous les congrès ou réunions centrales établies, soit par les représentants du peuple, soit par les Sociétés populaires, sous quelque dénomination qu’elles puissent avoir, même de comité central de surveillance, ou de commission centrale révolutionnaire ou militaire, sont révoquées et expressément défendues par ce décret, comme subversives de l’unité d’action du gouvernement et tendant au fédéralisme ; et celles existant se dissoudront dans les vingt-quatre heures, à compter du jour de la publication du présent décret.
Art. [III-]18. – Toute armée révolutionnaire, autre que celle établie par la Convention, et commune à toute la République, est licenciée par le présent décret, et il est enjoint à tous les citoyens incorporés dans de semblable institutions militaires, de se séparer dans les vingt-quatre heures, à compter de la publication du présent décret, sous la peine d’être regardés comme rebelles à la loi, et traités comme tels.
Art. [III-]19. – Il est expressément défendu à toute force armée, quelle que soit sont institution ou sa dénomination, et à tous chefs qui la commandent, de faire des actes qui appartiennent exclusivement aux autorités civiles, constituées, même des visites domiciliaires, sans un ordre écrit et émané des ces autorités ; lequel ordre sera exécutés dans les formes prescrites par les décrets.
Art. [III-]20. – Aucune force armée, aucune taxe, aucun emprunt forcé ou volontaire, ne pourront être levés qu’en vertu d’un décret. Les taxes révolutionnaires des représentants du peuple n’auront d’exécution qu’après avoir été approuvées pas la Convention, à moins que ce ne soit en pays ennemi ou rebelle.
Art. [III-]21. – Il est défendu à toute autorité constituée de disposer des fonds publics, ou d’en changer la destination, sans y être autorisée par la Convention ou par une réquisition expresse des représentants du peuple, sous peine d’en répondre personnellement.
Sect°. IV. Réorganisation et épuration des autorités constituées Art. [IV-]1er. – Le comité de Salut public est autorisé à prendre toutes les mesures nécessaires, pour procéder au changement d’organisation des autorités constituées, porté dans le présent décret.
Art. [IV-]2. – Les représentants du peuple dans les départements sont chargés d’en assurer et d’en accélérer l’exécution ; comme aussi d’achever sans délai l’épuration complète de toutes les autorités constituées, et de rendre un compte particulier de ces deux opérations à la Convention nationale, avant la fin du mois prochain.
Sect°. V. – De la pénalité des fonctionnaires publics et des autres agents de la République Art. [V-]1er. – Les membres du conseil exécutif, coupables de négligence dans la surveillance et dans l’exécution des lois pour la partie qui leur est attribuée, tant individuellement que collectivement, seront punis de la privation du droit de citoyen pendant six ans, et de la confiscation de la moitiés des bien du condamné.
Art. [V-]2. – Les fonctionnaires publics salariés et chargés personnellement par ce décret de requérir et de suivre l’exécution des lois, ou d’en faire l’application, et de dénoncer les négligences, les infractions, et les fonctionnaires et autres agents coupables placés sous leur surveillance, et qui n’auront pas rigoureusement rempli ces obligations, seront privés de leur droit de citoyen pendant cinq ans, et condamnés pendant le même temps à la confiscation du tiers de leur revenu.
Art. [V-]3. – La peine des fonctionnaires publics non salariés, et chargés personnellement des mêmes devoirs, et coupables des mêmes délits, sera la privation du droit de citoyen pendant quatre ans.
Art. [V-]4. – La peine infligée aux membres des corps judiciaires, administratifs, municipaux et révolutionnaires, coupables de négligence dans la surveillance ou dans l’application des lois, sera la privation du droit de citoyen pendant quatre ans, et une amende égale au quart du revenu de chaque condamné pendant une année pour les fonctionnaires salariés, et de trois ans d’exclusion des droits de citoyens pour ceux qui ne reçoivent aucun traitement.
Art. [V-]5. – Le officiers généraux et tous agents attachés aux divers services des armées, coupables de négligence dans la surveillance, exécution et application des opérations qui leurs sont confiées seront punis de la privation des droits de citoyens pendant huit ans et de la confiscation de la moitié de leurs biens.
Art. [V-]6. – Les commissaires et agents particuliers nommés par les comités de Salut public et de Sûreté générale, par les représentants du peuple près les armées et dans les départements, par le conseil exécutif et la commission des Subsistances, coupables d’avoir excédé leur mandat, ou d’en avoir négligé l’exécution, ou de ne s’être pas soumis aux dispositions du présent décret, et notamment à l’article 18 de la seconde section en ce qui les concerne, seront punis de cinq ans de fers.
Art. [V-]7. Les agents inférieurs du gouvernement, même ceux qui n’ont aucun caractère public, tels les chefs de bureau, les secrétaires, les commis de la Convention, du conseil exécutif, des diverses Administrations publiques, de toute autorité constituée, ou de tout fonctionnaire public qui a des employés, seront punis par la suspension du droit de citoyen pendant trois ans, et par une amende du tiers du revenu du condamné pendant le même espace de temps pour cause personnelle de toutes négligences, retards volontaires, ou infractions commises dans l’exécution des lois, des ordres et des mesures de gouvernement, de Salut public et d’administration (d)ont ils peuvent être chargés.
Art. [V-]8. – Toute infraction à la loi, toute prévarication, tout abus d’autorité commis par un fonctionnaire public, ou par tout autre agent principal inférieur du gouvernement et de l’administration civile et militaire qui reçoivent un traitement, seront punis de cinq ans de fers et de la confiscation de la moitiés des biens du condamné ; et pour ceux non salariés, coupables des mêmes délits, la peine sera la privation du droit de citoyen pendant six ans, et la confiscation du quart de leurs revenus pendant le même temps.
Art. [V-]9. – Tout contrefacteur du "Bulletin" des lois sera puni de mort.
Art. [V-]10. – Les peines infligées pour les retard et négligences dans l’expédition, l’envoi et la réception du "Bulletin des lois" sont pour les membres de la commission de l’envoi des lois et pour les agents de la poste aux lettres, la condamnation à 5 années de fers, sauf les cas de force majeure légalement constatés.
Art. [V-]11. – Les fonctionnaires publics, ou tous autres agents soumis à une responsabilité solidaire, et qui auront averti la Convention du défaut de surveillance exacte ou de l’inexécution d’une loi, dans le délai de quinze jours, seront exceptés des peines prononcées par ce décret.
Art. [V-]12. – Les confiscations ordonnées par les précédents articles seront versées dans le Trésor public, après toutefois avoir prélevé l’indemnité due au citoyen lésé par l’inexécution ou la violation d’une loi, ou par un abus d’autorité ».
=> Décret qui détermine le mode d’impression et d’envoi des lois , 8 pluviôse an III / 27 janvier 1795 (Duvergier, vol. 8, p. 5-6) [153] :
« Art. 1. – L’imprimerie établie pour l’expédition des lois conformément au décret du 14 frimaire de l’an II continuera d’être régie et administrée au nom de la République sous la dénomination Imprimerie nationale par l’agence de l’envoi des lois.
Art. 2. - Cette agence ne sera plus composée que de deux membres responsables nommés par la Convention nationale sur la présentation du comité des décrets procès verbaux et archives et dépendant de la commission des administrations civiles police et tribunaux.
Art. 3. - Cette imprimerie sera destinée à l’impression : 1° des lois dans la forme qui va être déterminée ; 2° des rapports, adresses et proclamations dont l’envoi aura été ordonné par la Convention nationale ; 3° des arrêtés pris par les comités pour l’exécution des lois et de la notice distribuée aux membres de la Convention en exécution de l’article 3 1 de la loi du 7 fructidor ; 4° des circulaires états et modèles relatifs à l’exécution des lois ou des arrêtés et faits par ordre des comités ; 5° des éditions originales des ouvrages d’instruction publique adoptés par la Convention nationale ; 6° et de tous les ouvrages de sciences et d’arts qui seront imprimés par ordre de la Convention et aux frais de la République.
Art. 4. – Le comité des décrets procès verbaux et archives sous la surveillance duquel cet établissement est mis fera faire sans délai un inventaire exact de tous les poinçons matrices caractères presses et autres objets qui en composent le fonds.
Art. 5. – Les lois qui sont d’une exécution générale seront envoyées à l’agence par le comité des décrets procès verbaux et archives le lendemain du jour où leur rédaction définitive aura été approuvée pour être imprimées sur le champ dans le format qui sera réglé et par série de numéros.
Art. 6. – L’agence fera tirer le nombre d’exemplaires de chaque numéros de lois rapports adresses et proclamations qui sera jugé nécessaire pour la distribution aux membres de la Convention nationale et l’envoi direct aux commission exécutives au tribunal de cassation aux administrations département et de district et aux tribunaux criminels et civils. Elle fournira à l’administration du département de Paris le nombre d’exemplaires nécessaires pour les autorités constituées et fonctionnaires publics de son arrondissement
Art. 7. – Il en sera adressé deux exemplaires chacune des autres administrations de département et un seulement aux tribunaux criminels de département, aux administrations et aux tribunaux de district.
Art. 8. – Aussitôt après la réception des lois et autres envois, l’administration de département sera tenue sous la responsabilité de chacun de ses membres de faire réimprimer dans le même format chaque numéro en autant d’exemplaires qu’il en sera nécessaire pour les envois à faire à toutes les autorités constituées de son arrondissement et à tous les fonctionnaires qui y exercent individuellement des fonctions publiques : le comité des décrets procès verbaux en arrêtera l état par département.
Art. 9. – L’administration de département enverra sans retard à chaque district nombre d’exemplaires nécessaires pour toutes les autorités constituées et les fonctionnaires publics désignés de son arrondissement. Les agents nationaux seront tenus de surveiller la célérité de l’envoi qui leur en fait.
Art. 10. – Les administrations de district régleront sans délai les moyens de concilier, suivant les localités, l’économie avec la célérité et la sûreté de ces envois et proposeront au comité des transports postes et messageries, les mesures de réforme et de changement convenables dans l’établissement actuel des piétons ; et néanmoins elles provisoirement le service de des piétons qu’elles jugeront inutiles.
Art. 11. - Les lois relatives aux armées de terre de mer et qui ne seraient point obligatoires pour les autorités civiles ne seront réimprimées par les administrations du département, ni envoyées dans les communes : l’agence de l’envoi sera tenue de les adresser directement aux commissions qu’elles intéressent et de fournir à celles-ci sur leur réquisition les exemplaires nécessaires pour les envois qu’elles auront à en faire aux différentes autorités civiles ou militaires qui devront les exécuter.
Art. 12. – Les administrations de district justifieront à celle du département dans le délai d’une décade à dater de la réception des lois et autres envois, de leur transmission aux autorités constituées et aux fonctionnaires publics de leur arrondissement.
Art. 13. – Les administrations de département, indépendamment de l’accusé de réception qu’elles seront obligées du fournir sur-le-champ à l’agence de l’envoi des lois certifieront dans le délai de deux décades, le comité des décrets procès verbaux et archives, de la réimpression des lois, rapports, adresses et proclamations, de leur envoi aux administrations de district et de la transmission que celles-ci en auront faite aux autorités constituées et aux fonctionnaires publics.
Art. 14. – La collection authentique des lois et autres envois formera un dépôt qui ne pourra sous aucun prétexte être tiré des secrétariats des autorités constituées et des greffes des tribunaux, et lorsqu’un fonctionnaire public, auquel ils auront été adressés sera remplacé, il sera tenu d’en transmettre la collection à son successeur.
Art. 15. – Le comité des décrets procès verbaux et archives est autorisé à prendre ou à maintenir, pour l’exécution des dispositions précédentes, les arrêtés convenables. Art. 16. – Les dispositions des lois antérieures auxquelles il n’est pas dérogé par la présente loi sont expressément maintenues ».
=> Constitution du 5 fructidor an III / 22 août 1795 (extraits)
Titre V. – Pouvoir législatif
[…]
« Promulgation des lois
Article 128. – Le Directoire exécutif fait sceller et publier les lois et les autres actes du Corps législatif, dans les deux jours après leur réception.
Art. 129. – Il fait sceller, promulguer dans le jour, les lois et actes du Corps législatif qui sont précédés d’un décret d’urgence.
Art. 130. – La publication de la loi et des actes du Corps législatif est ordonnée en la forme suivante : - Au nom de la République française (loi) ou (acte du Corps législatif)... Le Directoire ordonne que la loi ou l’acte législatif ci-dessus sera publié, exécuté, et qu’il sera muni du sceau de la République.
Art. 131. – Les lois dont le préambule n’atteste pas l’observation des formes prescrites par les articles 77 et 91, ne peuvent être promulguées par le Directoire exécutif, et sa responsabilité à cet égard dure six années. - Sont exceptées les lois pour lesquelles l’acte d’urgence a été approuvé par le Conseil des Anciens ».
[…]
Titre VII. – Corps administratifs et municipaux
[…] « Art. 201. – Tous les actes des corps administratifs sont rendus publics par le dépôt du registre où ils sont consignés, et qui est ouvert à tous les administrés. – Ce registre est clos tous les six mois, et n’est déposé que du jour qu’il a été clos. – Le Corps législatif peut proroger, selon les circonstances, le délai fixé pour ce dépôt ».
« La Convention nationale décrète :
Article I. – Aussi-tôt qu’une loi ou un acte du corps législatif sera revêtu des formes de publication prescrites par la constitution, le ministre de la justice, par ordre du directoire exécutif, le fera imprimer et publier, sans retard, dans le bulletin officiel, à moins que l’envoi manuscrit n’en soit ordonné par le corps législatif ; et, dans ce dernier cas, le bulletin contiendra l’intitulé de la loi.
Ce bulletin sera intitulé Bulletin des lois, et contiendra les lois et les actes du corps législatif, ainsi que les proclamations et les arrêtés du directoire exécutif pour assurer l’exécution des lois : aucun autre écrit n’y sera inséré.
Art. II. – Toute résolution du conseil des cinq-cents, et même tout projet de résolution dont ce conseil aura ordonné l’impression et l’ajournement, seront insérés dans un feuilleton qui accompagnera le bulletin des lois. Le feuilleton sera intitulé Feuilleton des résolutions et des projets de résolution. On y lira, en tête de la première page, cet avertissement : Les dispositions suivantes ne sont pas des lois, elles n’obligent point les citoyens.
Les rapports et les opinions dont l’impression et l’envoi seraient ordonnés par une loi, seront insérés au feuilleton.
Art. III. - Chaque numéro, tant du bulletin que du feuilleton, sera empreint de signes extérieurs d’authenticité, fixés par délibération du directoire exécutif.
Article IV. – Immédiatement après l’impression, le bulletin et le feuilleton seront adressés, par le ministre de la justice, aux présidens des administrations départementales et municipales, au président du bureau central dans les municipalités au-dessus de cent-mille âmes, au président du tribunal de cassation, aux présidens des tribunaux civils, correctionnels et de commerce, aux présidens et accusateurs publics des tribunaux criminels, aux juges de paix, aux ambassadeurs, aux envoyés et aux consuls de la République.
Art. V. – Le ministre de la justice les fera passer en même-temps aux autres ministres, à ses commissaires près les tribunaux, à leurs substituts, à ses commissaires près les administrations départementales et municipales.
Art. VI. – Il les fera parvenir également sans délai, aux commissaires ordonnateurs et ordinaires des guerres, aux chefs d’état-major et d’administration maritime : il les adressera aussi à chacun des membres du corps législatif.
Art. VII. – De trois mois en trois mois, un cahier des lois rendues pendant le trimestre, ainsi qu’un exemplaire de chacun des recueils de lois par ordre de matières, lorsqu’il sera formé, sera envoyé à chaque tribunal, dans la personne du greffier ; à chaque corps administratif, dans celle du secrétaire ; à chaque secrétariat d’ambassadeurs de la République, dans la personne du secrétaire d’ambassade ; à chaque consulat, dans la personne du principal bibliothécaire. Lesdits exemplaires y resteront déposés à perpétuité, pour l’utilité publique. Ces cahiers et recueils seront empreints des mêmes caractères d’authenticité que le bulletin des lois.
Article VIII. – Tout citoyen auquel le bulletin et le feuilleton ne devront pas être envoyés gratuitement, pourra s’en procurer des exemplaires par voie d’abonnement et de souscription.
Article IX. – L’abonnement sera fixé par le ministre de la justice, sous la surveillance du directoire exécutif, à un prix modéré ; de manière qu’il couvre seulement les frais de papier, d’impression ; de distribution et de transport, et de souscription.
Article X. – Dans le principal bureau de poste aux lettres de chaque commune de cinq mille habitans et au-dessus, un des commis sera chargé de recevoir les abonnemens, et de fournir, à un prix également modéré, les numéros séparés du bulletin officiel, et les cahiers séparés de chaque trimestre. Le directoire fera donner les ordres nécessaires à cet effet, aux administrateurs des postes.
Article XI. – En conséquence de la présente loi, il ne sera plus fait de publication de lois par lecture publique, par réimpression ni affiche, ni à son de trompe ou de tambour, en aucun département, aux frais de la République, si ce n’est lors que ces formalités seront expressément ordonnes par un article de loi. Pourront néanmoins le directoire exécutif et chaque administration départementale ou municipale, ou de bureau central dans les municipalités au-dessus de cent mille habitans, par délibération spéciale, ordonner, soit pour des lois anciennes ou récentes, soit même pour des réglemens, telles de ces formalités particulières qu’ils jugeront convenables. Article XII. – Néanmoins, les lois et actes du corps législatif [conseils des Cinq-Cents et des Anciens] obligeront dans l’étendue de chaque département, du jour auquel le bulletin officiel où ils seront contenus sera distribué au chef-lieu de département. Ce jour sera constaté par un registre, où les administrateurs de chaque département certifieront l’arrivée de chaque numéro ».
« Article 1. – Les lois sont exécutoires dans tout le territoire français, en vertu de la promulgation qui en est faite par le Roi [le chef de l’État].
Elles seront exécutées dans chaque partie du Royaume [ou de l’Empire ou de la République], du moment où la promulgation en pourra être connue.
La promulgation faite par le Roi [le chef de l’État] sera réputée connue dans le département de la résidence royale [dans le département où siège le Gouvernement], un jour après celui de la promulgation ; et dans chacun des autres départements, après l’expiration du même délai, augmenté d’autant de jours qu’il y aura de fois 10 myriamètres [100 kilomètres, environ 20 lieues anciennes], entre la ville où la promulgation en aura été faite, et le chef-lieu de chaque département.
Article 2. – La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif. ».
« Article 1. – À l’avenir, la promulgation des lois et de nos ordonnances résultera de leur insertion au Bulletin officiel.
Art. 2. – Elle sera réputée connue, conformément à l’article 1er du Code civil, un jour après que le Bulletin des lois aura été reçu de l’Imprimerie royale par notre chancelier ministre de la justice, lequel constatera sur un registre l’époque de la réception.
Art. 3. – Les lois et ordonnances seront exécutoires, dans chacun des autres départements du royaume, après l’expiration du même délai augmenté d’autant de jours qu’il y aura de fois 10 myriamètres (environ 20 lieues anciennes) entre la ville où la promulgation en aura été faite et le chef-lieu de chaque département, suivant le tableau annexé à l’arrêté du 25 thermidor an XI ou 13 août 1803.
Art. 4. – Néanmoins, dans les cas et les lieux où nous jugerons convenable de hâter l’exécution, les lois et ordonnances seront censées publiées et seront exécutoires du jour qu’elles seront parvenues au préfet, qui en constatera la réception sur un registre ».
« Article 1er. – Dans les cas prévus par l’article 4 de notre ordonnance du 27 novembre 1816, où nous jugeons convenable de hâter l’exécution des lois et de nos ordonnances en les faisant parvenir extraordinairement sur les lieux, les préfets prendront incontinent un arrêté par lequel ils ordonneront que lesdites lois et ordonnances seront imprimées et affichées partout où besoin sera.
Art. 2. – Lesdites lois et ordonnances seront exécutées à compter du jour de la publication faite dans la forme prescrite par l’article ci-dessus ».
« Article 1er. – Dorénavant, la promulgation des lois et décrets résultera de leur insertion au Journal officiel de la République française, lequel, à cet égard, remplacera le Bulletin des lois.
Le Bulletin des lois continuera à être publié, et l’insertion qui y sera faite des actes non insérés au Journal officiel en opérera promulgation.
Art. 2. – Les lois et décrets seront obligatoires, à Paris, un jour franc après la promulgation, et partout ailleurs, dans l’étendu de chaque arrondissement, un jour franc après que le Journal officiel qui les contient sera parvenu au chef-lieu de cet arrondissement.
Le Gouvernement, par une disposition spéciale, pourra ordonner l’exécution immédiate d’un décret.
Art. 3. – Les préfets et sous-préfets prendront les mesures nécessaires pour que les actes législatifs soient imprimés et affichés partout où besoin sera.
Art. 4. – Les tribunaux et les autorités administratives et militaires pourront, selon les circonstances, accueillir l’exception d’ignorance alléguée par les contrevenants, si la contravention a eu lieu dans un délai de trois jours francs, à partir de la promulgation ».
« Articles 1er. – L’insertion au Bulletin des lois qui est prévue par les textes législatifs et réglementaires est remplacée par l’insertion au Journal officiel de la République française ».
« Le Président de la République, Sur le rapport du Premier ministre et du garde des sceaux, ministre de la justice, Vu la Constitution, notamment son article 38 ; Vu le code civil ; Vu la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit, notamment son article 4 ; Le Conseil d’État entendu ; Le conseil des ministres entendu, Ordonne :
Article 1. – L’article 1er du code civil est remplacé par les dispositions suivantes :
"Art. 1er. – Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures.
En cas d’urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l’ordonne par une disposition spéciale. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels".
Art. 2. – Sont publiés au Journal officiel de la République française les lois, les ordonnances, les décrets et, lorsqu’une loi ou un décret le prévoit, les autres actes administratifs.
Art. 3. – La publication des actes mentionnés à l’article 2 est assurée, le même jour, dans des conditions de nature à garantir leur authenticité, sur papier et sous forme électronique. Le Journal officiel de la République française est mis à la disposition du public sous forme électronique de manière permanente et gratuite.
Art. 4. – Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés définit les actes individuels, notamment relatifs à l’état et à la nationalité des personnes, qui, en l’état des techniques disponibles, ne doivent pas faire l’objet d’une publication sous forme électronique.
Art. 5. – Un décret en Conseil d’État définit les catégories d’actes administratifs dont, eu égard à leur nature, à leur portée, et aux personnes auxquelles ils s’appliquent, la publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à assurer l’entrée en vigueur.
Art. 6. – Sont abrogés :
la loi du 12 vendémiaire an IV qui détermine un mode pour l’envoi et la publication des lois ;
l’ordonnance royale du 27 novembre 1816 concernant la promulgation des lois et ordonnances ;
l’ordonnance royale du 18 janvier 1817 additionnelle à celle du 27 novembre 1816 concernant la publication des lois et ordonnances ;
le décret du 5 novembre 1870 relatif à la publication des lois et des décrets ;
la loi du 19 avril 1930 substituant l’insertion au Journal officiel à l’insertion au Bulletin des lois dans tous les cas où elle est prévue par les textes législatifs et réglementaires et supprimant le Bulletin des lois.
Art. 7. – La présente ordonnance entre en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant sa publication au Journal officiel de la République française.
Art. 8. – Le Premier ministre et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de l’application de la présente ordonnance, qui sera publiée au Journal officiel de la République française ».
=> Code civil des français, article 1 nouveau, tel que modifié par l’ordonnance n°2004-164 du 20 février 2004, art. 6 (V) (Journal officiel de la République française, 21 février 2004, en vigueur le 1er juin 2004 ; via Légifrance) :
« Article 1. – Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures.
En cas d’urgence, entrent en vigueur dès leur publication les lois dont le décret de promulgation le prescrit et les actes administratifs pour lesquels le Gouvernement l’ordonne par une disposition spéciale.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux actes individuels ».
Yann-Arzel Durelle-Marc, maître de conférences en histoire du droit
Université Paris Nord-Paris 13
Centre de Recherches sur l’Action locale, CERAL EA 3968